Ah … la composition en photographie animalière … c’est peut-être la dernière roue du carrosse dans le processus d’apprentissage ! Avouez que vous préférez passer plus de temps à peaufiner votre technique, vos réglages, votre approche, votre affût que de réfléchir à la composition de votre prochaine photo !
Et pourtant … La problématique du placement du sujet dans le cadre est une des clés d’une photo réussie. Il n’y a pas que ça évidemment puisque la lumière, l’attitude du sujet, l’exposition concourent aussi à la réussite d’une photographie. Alors désolé de vous rajouter une contrainte supplémentaire, mais la composition est très très importante.
D’ailleurs, ça vous évoque quoi vous ce terme de composition ? Si je vous pose la question « que signifie pour vous le mot composition en photographie ? » J’aimerais bien vous avoir sous la main tiens pour connaitre vos réponses … que j’imagine toutes différentes
Je vous donne la mienne, comme ça à la volée :
« la composition est la façon dont le photographe agence les différents éléments constituants une scène ».
Voilà pour moi. Passons à la définition de Wikipédia (que je n’ai pas lue auparavant promis !) :
« la composition picturale est l’art de composer une image en fonction de formes et de couleurs dans le but de donner un équilibre global à l’image par le choix des masses de couleurs et des lignes directrices. »
Vous voyez que je ne l’avais pas lue ! Wikipédia (en tout cas son rédacteur pour cet article) ajoute la dimension de la couleur. Pas bête.
Bon, pour faire simple, la composition est :
« comment, vous, photographe, allez placer le sujet principal dans l’image et surtout comment, vous allez vous débrouiller pour que le regard du spectateur se dirige en une fraction de seconde vers le sujet principal ».
Et pour parvenir à ça, rien n’est dû au hasard. N’écoutez pas ceux qui vous disent : « oh pour moi la composition c’est simple, je laisse parler ma créativité, mon émotion du moment qui me guide dans mes choix ». Je considère cela comme du blabla. Il faut prendre le problème à l’envers ! L’émotion doit surtout être créée chez le spectateur. C’est tout le rôle de la composition que d’aider celui qui regarde une photo à être ému.
Voici pour l’introduction, un peu longue, c’est vrai ! Allez, je vous livre maintenant 3 conseils pour vous aider à mieux composer vos photos. Elles fonctionnent à tous les coups !
Composition 1 : laisser de l’espace (beaucoup d’espace)
Voici une composition qui n’est pas la plus utilisée par les photographes animaliers. Et encore moins par les débutants ! On est tous passé par là : s’approcher, s’approcher et encore s’approcher. Jusqu’à faire un méga portrait qui tue. C’est bien aussi mais la photo animalière n’est pas que ça.
N’oubliez que vous prenez des animaux sauvages qui vivent dans un environnement particulier : leur environnement. Alors quoi de plus logique finalement que de tenter d’intégrer cet environnement dans la scène ? (au passage j’avais écris un article justement sur comment photographier les animaux dans leur environnement)
Attention tout de même à ne pas tomber dans le piège de la photo naturaliste. Au passage, je n’ai rien contre la photo naturaliste. Elle est utile au scientifique par exemple. Mais ce que je souhaite moi et vous en tant que photographe animalier c’est de montrer la beauté de l’animal au plus grand nombre.
L’idée ici sera donc d’intégrer l’environnement tout en gardant une photo esthétique. Comment faire ?
- Première chose, ne surtout pas centrer le sujet. D’autant que dans cette composition là, l’animal tiendra une petite place dans la scène. Choisissez plutôt de le placer près des bords de l’image. Cela donne un vrai sens à l’espace de vie de l’animal. En le centrant, vous l’enfermez en quelque sorte. En l’excentrant, vous lui re-donner son espace vital !
- Deuxième chose, le sujet devra être identifiable au premier coup d’oeil. Encore une fois, il y a de fortes chances pour qu’il tienne moins de 10 % de l’image. C’est peu, très peu ! Et pourtant, le spectateur ne doit pas avoir à le chercher … sinon, il ira voir la photo du voisin d’à coté.
Pour cela, rien de tel qu’un bon vieux clair-obscur. Il suffit d’un petit contre-jour bien senti pour que l’animal soit très sombre afin qu’il ressorte dans son environnement qui lui sera plus clair ! Ça fonctionne à tous les coups.
Pour y parvenir, faites la mesure d’exposition sur une partie lumineuse de la scène, mémorisez là avec la touche idoine puis faites la mise au point sur l’animal. Déclenchez. Effet garanti.
N’hésitez pas à tenter des compositions surprenantes, à prendre partie, quitte à ne pas plaire à tout le monde. Pourquoi ne pas essayer de laisser une très grande partie dans l’ombre pour juste faire ressortir l’ombre chinoise du sujet comme dans la photo ci-dessous (saurez-vous deviner de quel bébé il s’agit ?… très difficile à approcher d’ailleurs. Je me méfie beaucoup sa queue )
Composition 2 : utiliser les lignes directrices
Voilà une manière de composer qui n’est pas évidente du tout, en tout cas avec les animaux sauvages. Il me semble qu’il est plus « facile » d’utiliser des lignes directrices en macro, en paysage, parce qu’à priori, le photographe a le temps de peaufiner son cadrage. Alors que dans la photographie de la faune sauvage type mammifères ou oiseaux, il faut faire preuve d’une grande réactivité … ou alors, le photographe doit avoir pensé, imaginé l’image au préalable.
Mais au fait, c’est quoi les lignes directrices ? Je me lance à nouveau dans une définition toute personnelle :
C’est l’utilisation des lignes présentes naturellement dans la scène afin de guider le regard du spectateur vers le sujet. Ces lignes peuvent être … ce que vous voulez ! Un chemin, une haie, une branche d’arbre, une tige, un tronc, une rivière, tout ce qui est suffisamment long et continu pour que le regard suive cette aide graphique.
Je fais une petite parenthèse. Quand on apprend aux enfants à compter en calcul mental, un exercice que demande souvent l’enseignant est : « comment tu as fait dans ta tête pour trouver la réponse? » Et l’élève de répondre «Bah … euh … j’ai compté !! » « Oui, d’accord ! Mais tu as fait quoi avec les nombres dans ta tête pour trouver 25 ? » « Bah … euh … J’ai fait 3 x 10 – 5 » On appel ça le « métalangage » c’est à dire qu’en gros on demande à l’élève de prendre du recul sur ce qu’il fait.
A présent, regardez la photo ci-dessous et répondez à cette même question de métalangage : « comment avez-vous fait pour que votre oeil se pose très vite sur le sujet ? » Réponse « j’ai suivi (vraisemblablement sans m’en rendre compte) la ligne directrice formée par la tige pour arriver jusqu’à l’insecte ». Exercez-vous de temps à autre à ce type d’exercice de prise de recul sur votre lecture d’images. Peu importe d’ailleurs quelle soit la votre ou non. Je ferme la parenthèse.
Pour mieux comprendre la ligne directrice, on peut la comparer à un message subliminal. On ne se rend pas compte qu’il est là, et pourtant il influence notre compréhension. Pareil pour la ligne directrice (bien utilisée !) : on ne se rend pas franchement compte de son rôle et pourtant elle influence notre compréhension de la scène.
L’utilisation des lignes directrices, je le disais plus haut, est plus pratique en macro. L’exemple typique est d’aller placer l’insecte en bout de tige de fleur, celle-ci traversant par exemple le cadre en diagonal. Il me semble qu’en animalier, c’est plus difficile à mettre en oeuvre. Le photographe ne peut souvent pas se déplacer pour intégrer une ligne directrice. A moins de le prévoir en avance au moment du placement de l’affût. Ce peut être aussi l’endroit où vous placerez l’appât de nourriture (graines pour les oiseaux ou noisettes pour les écureuils).
Une ligne directrice super basique et très très simple à utiliser est l’oiseau sur un perchoir près de la mangeoire. Regardez la photo ci-dessous, l’oeil est téléguidé par la branche.
Et pour le fun, je me suis amusé avec mon ami Marsupilami (vous aviez trouvé ?). Saurez-vous me dire dans les commentaires quel est l’élément qui guide votre oeil vers le sujet ?
Composition 3 : sortir un élément du cadre
Vous rappelezvous du point Composition 1 ? Et bien vous le prenez et vous faites tout l’inverse ! Dans certains cas, rares, je vous l’accorde, il se peut que vous vous trouviez suffisamment proche du sujet pour pouvoir effectuer un très gros plan de sa tête. Une manière de se démarquer des compositions habituelles est de sortir une partie de la tête de l’animal du cadre.
Nous voyons souvent cette technique sur des portraits humains où le haut de la tête est coupée par exemple (ceci étant une image bien entendu !). Parfois une moitié de visage sort carrément du cadre.
Pour les animaux, il peut-être intéressant de faire ça.
Mais quel est l’intérêt de sortir sciemment une partie de la tête du sujet ? Ça peut donner au spectateur un sentiment de plus grande proximité avec l’animal. Logique. Ce n’est pas tout. Faire un portrait serré animalier (quand je parle de portrait serré, je veux dire par là que la tête prend la plus grande place dans l’image) donne souvent une photo typée naturaliste. Sans grande émotion. C’est près, c’est net, c’est même impressionnant, mais c’est sans saveur. Sans force ! Ça plaira au plus grand nombre mais moyennement.
Pour sortir de ce piège, un très bon moyen est de couper la tête . Ce faisant, vous prenez un risque évident. Certains de vos proches pourront vous dire « bah, pourquoi tu lui as coupé la tête en deux à ce pauvre renard ? ». Mais d’autres seront scotchés. Ils ressentiront votre émotion du moment, celle que vous avez voulu partager. Ils sentiront la proximité que vous avez vécue. Ça plaira à moins de monde mais beaucoup plus !
En même temps que vous lisiez les lignes précédentes, vous deviez probablement vous demander comment obtenir un tel résultat. Je vous comprends bien ! Rares sont les moments où vous êtes tellement proche du sujet que vous pouvez vous permettre une telle composition. A titre personnel, j’ai pu faire cela avec des lapins de garenne, avec des blaireaux et des renards. Mais ces moments là ne sont pas fréquents.
La première façon, la plus logique, est de faire le nécessaire pour être proche « physiquement » de l’animal. L’affût est la solution la plus simple. Un affût, même simple (une toile de camouflage tendue entre deux branches) installer sur plusieurs jours peut permettre une bonne proximité.
Mais placer un affut n’est pas suffisant ! Il faut l’utiliser … quotidiennement. Avec les mêmes habits, le même matériel, aux mêmes horaires, avec les mêmes habitudes de travail. Une forme de confiance pourra (peut-être) s’installer chez les animaux. Ils auront alors un comportement plus naturel et se risqueront à s’avancer plus près du photographe. C’est ce qu’explique très bien le photographe Laurent Geslin dans son interview sur les animaux sauvages photographiés en ville.
Ensuite, le matériel a aussi son importance. Un 400 mm est un minimum … ! Si vous êtes avec un capteur APS-C, votre 300 mm grimpera à 420 mm. On peut donc avoir une focale suffisante pour un tarif acceptable. Le 70-300 mm APO Sigma doit être dans les 400 €, et, comme je vous l’ai dit, couplé avec un reflex capteur APS-C, ça vous fait un 420 mm. Pas mal pour tenter le portrait qui sort du cadre.
Evidemment, une plus grande focale augmentera vos chances de succès. Mais à quel prix. Le prix en euros déjà, bien souvent inaccessible pour les petits budgets. Et le prix en grammes, pardon en kilos. Car les grandes focales sont aussi lourdes et encombrantes.
Donc comme nous devons être une majorité à ne pas pouvoir entrer dans la prestigieuse famille des 500 mm et plus, on se contentera du 300 mm
Profitons aussi des gros avantages du numérique. Notamment celui de pouvoir zoomer dans l’image sur ordinateur. Il n’y a aucune honte à recadrer une image pour obtenir la composition souhaitée. On peut même y aller franco pour autant que le nombre de pixels le permet ! Mon précédent reflex avait 6 MP, l’actuel en a 24. C’est à dire que je peux zoomer numériquement 3 fois avant d’atteindre la définition de mon ancien reflex. J’ai une très grosse marge. Je peux donc sortir une partie des portraits animaliers du cadre.
Voyez sur cet exemple. La photo originale est un plan serré. J’étais avec mon 70-300 mm à 250 mm. A l’époque de cette prise de vue, je n’avais pas osé sortir des règles et donc du cadre. Avec un peu d’audace j’aurais pu aller à fond de 300 mm et tenter une composition originale. Comme dans la 2ème photo recadrée.
J’espère que ces 3 types de compositions vous aideront à développer votre créativité ! Et vous, quelles sont vos astuces pour obtenir une composition originale ?
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[…] Note : j’avais écris un article qui a bien plu sur 3 méthodes de composition qui marchent. […]