La puissance du reportage photo

Nous avons tous besoin de moteurs dans la vie. Nous motiver, donner du sens à nos actions, faire vivre nos passions. Il y a dix mille façons d’y parvenir. Vous connaissez sans doute les célèbres projets 365 ou 52, consistant à réaliser un cliché tous les jours, ou chaque semaine (bah, oui, d’où le 365 ou le 52). Le partage sur Facebook, le montage de diaporamas vidéos, l’essai de nouvelles techniques ou de nouveau matériel constituent aussi des moyens d’alimenter la flamme !

Parmi toutes ces solutions, il en existe une au pouvoir stimulant très puissant : le reportage photo. Je sais, lire ce mot pourra déclencher chez certains un mouvement de recul. Crainte ? Inquiétude ? Appréhension ? Méconnaissance ? Un peu de tout ça à la fois je pense. Nous devons vraisemblablement associer la réalisation d’un reportage au métier de journaliste, à la publication d’articles dans la presse, bref, nous le rangeons dans la catégorie expert. Si je me trompe, dites-le moi !

Pourtant, il suffit de porter un peu d’attention sur le thème du reportage photographique pour comprendre que c’est à la portée de tous ! Vous savez : qui ne connait pas, craint (ou un truc dans le genre 🙂 ) Pour tout vous dire, je n’ai jamais réalisé de reportage. Alors pourquoi vous pondre un article sur quelque chose que je n’ai pas pratiqué ?

Parce que j’ai lu admiré l’excellent livre « Cheval Vapeur – Travail équestre en forêt » du talentueux Philippe Moës (que j’avais eu grand plaisir à interviewer : écouter l’interview du photographe animalier Philippe Moës) chez Weyrich Editions.

Tout en tournant les pages du bouquin, je me disais : « bon dieu, voilà ce que je veux faire : préparer un reportage, un truc inédit jamais vu sur une espèce ! J’ai enfin trouvé ce qui me donnera un bon coup de pied aux fesses pour me sortir du lit ! Bref, je veux faire un reportage photo animalier. « 

Et oui ! Figurez-vous que Philippe Moes a procédé pour l’écriture de ce livre à un véritable travail de reportage. Certes, le sujet abordé ne concerne pas les animaux sauvages, puisqu’il s’agit d’animaux domestiqués : les chevaux de trait. Mais on s’en fiche. Tous les ingrédients d’un reportage photo – évidemment – réussi sont rassemblés dans « Cheval Vapeur – travail équestre en forêt »

Alors quoi de mieux que l’observation approfondie d’un ouvrage de référence pour apprendre à réaliser un reportage sur le terrain, quelque soit le sujet choisi ? Me voilà donc avec vous à décortiquer le dernier livre de Philippe Moës. In fine, nous aurons tous les éléments indispensables à la rédaction d’un reportage dans les règles de l’art. Aucune excuse, ni vous ni moi, pour ne pas se lancer dans un projet de cette sorte ! Comme d’hab’, suivez le guide !

Philip Moës est agronome de formation, forestier de métier et photographe par passion. Au fil des ans, ses clichés de paysages et de faune sauvage ont été primés aux États-Unis et aux quatre coins de l’Europe (Russie, Italie, Pays-Bas, Allemagne, Finlande, France, et Belgique)…

Entre 2003 et 2012, il écrit et illustre six ouvrages consacrés à la nature sauvage de nos régions, le plus souvent avec une approche contemplative voir poétique.

Avec Cheval Vapeur, il nous offre un livre différent, pragmatique, véritable plaidoyer pour les derniers « Hommes- chevaux » travaillant en forêt.

Pour en savoir plus sur l’auteur et son travail (photos, publication, actualité, stage…) ou pour prendre contact, rendez-vous sur www.photos-moes.be

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La première de couverture du livre

1- Trouver son idée de reportage photo

Normal de commencer par ça non ? En plus, ça n’est pas le plus compliqué ! Les trois critères à privilégier sont, il me semble :

  • l’attirance pour une espèce en particulier : moi, ce serait les lapins de garenne, j’ai déjà de la matière, vous en avez été les témoins au début du blog
  • vos moyens financiers : limités en ce qui me concerne, je n’irai donc pas plus loin que le pré d’en face (et c’est très bien !)
  • le temps disponible : j’en ai, ça fait plaisir, les lapins n’ont qu’à bien se tenir.

Son idée, Philippe Moës l’a eue au contact régulier des utilisateurs de la forêt et notamment de la filière sylvicole. Garde-forestier de métier, il rencontre régulièrement les chevaux et leurs maitres dans ses forêts. De là à en faire un reportage, il n’y a qu’un pas clic.

Extrait du livre :

C’était en 1997. Jeune forestier, je voyais débarquer dans ma circonscription « mes » premiers chevaux de débardage. Fascination … Quinze ans plus tard, je fais la bilan : durant cette longue période, en matière d’exploitation sylvicole, seuls trois petits chantiers de débusquage ont été réalisés à l’aide de chevaux au sein de ce territoire. Et pour cause ! A l’heure où j’écris ces lignes, moins de 7 % des chevaux de traits travaillent encore en Wallonie.

2 – Se demander pourquoi faire ce reportage

Une bonne raison se trouve derrière chaque projet lancé. La construction d’une piscine pour l’amusement, la rénovation d’une pièce pour le confort, un voyage lointain pour la culture … et un reportage photo, c’est pourquoi ? Il doit y avoir autant de raisons qu’il y a de photographes animaliers ! Je vous donne tout de même quelques pistes :

  • témoigner d’un évènement naturel : brame du cerf, périodes d’accouplement, …
  • montrer un lieu particulier : une rivière, une garenne :-), …
  • vulgariser une activité confidentielle : le travail des chevaux de traits par exemple !

La raison poussant Philippe Moës à photographier les chevaux de trait est limpide comme un ruisseau de martin pêcheur ! Elle a dû être une évidence pour lui :

Extrait du livre :

[…] tandis que beaucoup de professionnels approchent de l’âge de la retraite, menaçant d’emporter avec eux un patrimoine et un savoir-faire exceptionnels.

[…] cette activité peut-être parfaitement rentable, tout en apportant des avantages inégalables en termes environnementaux, énergétiques et sociaux.

[…] Puissent ces quelques lignes sensibiliser le lecteur quant au sort réservé à ce pan de notre patrimoine tout en convaincant les gestionnaires et décideurs politiques des nombreux atouts du « cheval vapeur ». Il y a urgence !

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J’aime beaucoup cette photo, on aimerait savoir la suite de l’histoire !

3 –  Quel type de reportage ?

On enchaîne dans l’introspection. Sous quel angle pensez-vous traiter le sujet ?

  • réaliste, naturaliste, objectif : le travail consistant à montrer la nature telle qu’elle apparait
  • esthétique, subjectif : autrement, le photographe pourra révéler la beauté des espèces animales en adoptant des points de vue artistique.
  • un peu de tout à la fois : pourquoi pas ?

C’est d’ailleurs ce qu’à choisi  de faire Philippe Moës. Ce doit être la raison pour laquelle son livre est captivant. Le lecteur est séduit par la beauté des images, des attitudes, des lumières. En même temps, l’intérêt est décuplé par le coté réaliste des textes mais aussi de certaines photographies. Autrement dit, on apprend et on rêve … le reportage photo ultime ?

Extrait de la préface :

Philippe Moës nous parle avec son coeur pour nous convaincre de tout mettre en oeuvre pour sauver cette symbiose patiemment construite entre l’animal, l’homme et son environnement. Sa vision nous révèle l’importance d’utiliser la traction chevaline pour renforcer les trois piliers du développement durable, économie, social et écologie. Ce livre vous fera découvrir toutes les facettes de ce monde fait de force, de beauté et de paix.

4 – A qui est destiné le reportage ?

Grande question. Ceci dit, la réponse ne devrait pas être loin en fonction des éléments abordés ci-dessus. Je vous donne quelques possibilités :

  • des magazines de photo animalière, les deux sur le marché sont bien connus des photographes :
  • un reportage photo destiné à la toile? Bon, faut par contre être bilingue : Nature photo magazine. Si vous en connaissez d’autres, dites-le dans les commentaires 🙂
  • un livre : on y vient ! Il y a livre et livre. Celui de Philippe Moës ne se construit pas en 6 mois et évoquer le monde de l’édition papier mériterait un plusieurs articles dédiés. Les éditions Weyrich ont fait un superbe travail et le résultat fait plaisir aux mirettes !
  • un livre numérique : alternative au livre papier, la démocratisation des tablettes et des liseuses numériques permet à n’importe qui, même moi, de publier comme un grand son livre. Il existe de nombreux outils pour rédiger, mettre en page et faire paraître son reportage photo :

Dernière chose : pourquoi ne pas contacter, si possible, les personnes concernées par votre démarche afin d’affiner votre projet ? Les échanges entre Philippe Moës et les éditions Weyrich ont dû être très nombreux. Au fait, pour tout vous dire, je ne connaissais pas Weyrich Editions avant que cet éditeur belge ne me contacte pour me proposer ce livre. Par curiosité, j’ai parcouru leur site internet et j’y ai vu quelques livres photos que ma bibliothèque ne renierait pas ! La collection Carnet Nature devrait vous plaire, Le Temps du Brame et la Vie dans les Champs particulièrement.

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Belle impression, joli papier glacé, reliure cartonnée, c’est du bel ouvrage.

5 – Une bonne préparation en amont

Pour commencer, il faut enquêter pour savoir si votre sujet n’a pas été déjà traité. Si oui, pas grave, optez pour un point de vue différent. Si non, cool, mais réfléchissez tout de même à adopter un traitement original. Pardon de revenir toujours à mes lapins de garenne : des reportages photos sur ces gentils lagomorphes sont monnaie courante, à moi de me creuser la tête pour trouver une approche sympa : pourquoi pas mettre en avant les partages de territoires entre les garennes et d’autres espèces ? L’enquête peut-être lancée avec une question sur facebook ou twitter juste pour prendre la température.

La préparation continue, vous pourrez :

  • rencontrer ou questionner un photographe animalier expert par téléphone ou par mail. Ils répondent toujours ! Au hasard … Philippe Moës 🙂
  • rencontrer les acteurs locaux : paysans, naturalistes (à joindre au sein des associations de défense de la nature, la LPO) associations de chasseurs qui peuvent être d’excellents partenaires pour orienter la recherche
  • repérer puis lister les différents lieux d’action. A ce sujet, vous pouvez re-lire l’article que j’avais écris sur l’utilisation de Google Maps pour la photo animalière
  • estimer le temps disponible. Il s’agit d’un paramètre important si votre reportage est associé à une livraison datée, pour un magazine notamment.

6 – Le matériel photo

Pour chaque sortie, pensez à déterminer votre but pour emporter le matériel nécessaire pour l’atteindre. Exemple : l’intention est de photographier l’animal dans son environnement pour un des chapitres du reportage ? Le 500 mm (si vous l’avez) est accessoire, alors qu’un objectif plus polyvalent sera incontournable. Lequel ? Lire la suite 🙂

S’il ne fallait qu’un objectif, je choisirai un 70-200 mm f/4. Le photographe Tom Mosack a effectué un test complet du 70-200 f/4 de chez Canon. Vous êtes chez Nikon, il y a le même. Chez Pentax, Sony ? Sigma propose aussi un 70-200 ouvrant à f/2.8. Vous êtes comme moi et n’avez qu’un 70-300 mm ? Faites preuve d’imagination pour contourner les limites matérielles !

En ce qui concerne le livre Cheval Vapeur, l’auteur considère que l’objectif idéal (pour ce reportage) est le Canon 28-300 mm f/3.5-5.6 IS USM. Tu m’étonnes !! En couvrant un spectre focal aussi large, toutes les situations pouvaient être affrontées. Cet équipement n’enlève rien au mérite du photographe belge d’avoir pu tirer des photographies toutes plus originales et plus belles les unes que les autres. D’ailleurs, je reprends ci-dessous une note de fin de livre :

Extrait du livre :

Les écueils principaux de prises de vue ont été, outre la difficulté de se libérer au moment ad hoc (toujours en semaine puisqu’en temps de travail des débardeurs), le manque fréquent de lumière (couvert forestier), le caractère fermé du milieu (obstacles visuels constitués par les arbres et branches) et la recherche d’images originales (les sujets et milieux étant à peu de chose près toujours les mêmes)

Et les vêtements ? Les vêtements conçus exclusivement pour la photo animalière ne sont pas nombreux. Mais ceux qui existent sont top ! La marque Stealth Gear, distribuée sur Auxois Nature Boutique conçoit et fabrique des pantalons et des vestes parfaits la photographie animalière. Je ne sais pas si Philippe Moës les utilise 🙂

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Une des très nombreuses double-page. Qui a dit que la photo ne pouvait pas traduire l’action ?

7 – Le traitement et le tri des photos

Peu importe les personnes qui découvriront votre reportage, le travail de post-production est capital : nous détestons tous voir défiler les mêmes images à quelques détails près. Le fil conducteur sera à ce moment là le TRI, et, par conséquent l’élimination ! Conserver la crème de la crème est plus facile à dire qu’à faire et pourtant, c’est une obligation. Perso, j’aime bien créer deux dossiers de tri :

  • premier choix : le top du top
  • réserve : y placer les « très bien », mais pas assez pour figurer dans le Premier choix, elles sont en attente, au cas où.

Phase suivante : la mise en ordre. Il est question d’exposer votre reportage sous forme d’histoire chapitrée … comme dans un livre. Pour chaque partie du reportage, votre intention sera de trouver les photos liées au thème du chapitre, photos issues bien sur du dossier Premier choix. Il en manque ? Fouillez dans le classeur « Réserve ».

Quand vous avez enfin votre séquence en ordre, l’étape suivante est la retouche, en tout cas l’amélioration : contraste, recadrage, luminosité, netteté, tenter du n&b pour certaines. Rien de bien méchant, juste le nécessaire pour donner du punch aux prises de vue.

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La preuve par l’exemple : on commence toujours un reportage par un plan large.

8 – Des incontournables

A force de lire, observer et noter, je connais le livre Cheval Vapeur par coeur maintenant ! Alors je vous mets ci-dessous tout ce que j’ai pu y trouver pour améliorer votre reportage photo :

  • la première image doit donner une vue d’ensemble, comme une introduction pour situer le sujet
  • la plupart des photos doivent raconter une histoire, ou du moins susciter une réflexion, une émotion chez le lecteur
  • réaliser des images verticales et horizontales
  • varier les types de photos :
    • action
    • portrait
    • noir et blanc
    • filé
    • explozoom (on en discute dans les commentaires ? 😉 )
    • à ras les pâquerettes
    • prendre de la hauteur
    • paysages
  • diversifier la mise en page des photos :
    • double-page
    • pleine page avec des bandes noires pour faire cinémascope 🙂
    • carré
    • panoramique
    • vignettes
  • écrire du texte pour enrichir l’information, donner de l’information de qualité, authentique et vécue (pas issue d’internet, genre fiche wikipédia). Un peu comme à l’école, utilisez le guide : qui, quoi, où, quand, pourquoi, comment.
  • noter sur un carnet, voire enregistrer des idées pour amender son texte par la suite
  • pourquoi pas interviewer ? Les gens aiment lire des histoires, aiment savoir qu’il y a des vraies gens derrière un reportage
  • photographier encore et encore
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Les textes pédagogiques sont un des forces de ce livre.

Et maintenant le livre

Mettons de coté le reportage photo et regardons le livre pour le livre. Voici quelques détails

24,5 x 26,5 cm  ça fait un beau livre
144 pages dont beaucoup avec rien que des photos !
 Cartonnée, ça signifie que c’est du costaud
32€, c’est le tarif pour la qualité

Vous savez ce que je pense de cet ouvrage à présent ! Je reformule pour ceux qui n’auraient pas compris 😉 : j’ai vraiment beaucoup aimé ! Je vous fais la conclusion au format test :

J’ai aimé :

    • l’alliance réussie de l’esthétique et du pédagogique
    • le but poursuivi par Philippe Moës : faire connaitre et défendre ce patrimoine
    • les textes, agréables à lire, instructifs et surtout … aérés avec une grande police d’écriture
    • les photos : nombreuses, originales, vivantes
    • la qualité du papier et de l’impression
    • livre imprimé sur du papier issu de sources responsables
  • J’ai moins aimé :
    • franchement ? Rien !

Alors ce livre, vous le voulez ? Deux solutions :

  • La première, vous foncez chez votre libraire ou vous le commandez directement sur le site de Weyrich Editions, voici le lien direct (non affilié) : Acheter le livre
  • La deuxième : je vous offre l’exemplaire que m’a envoyé l’éditeur ! Oui, mais faut le mériter hein 🙂 !

Règle du jeu-concours :

Pour gagner un exemplaire du livre Cheval Vapeur – travail équestre en forêt d’une valeur commerciale de 32€ TTC voici la marche à suivre :

  • laisser un commentaire dans l’espace des commentaires ci-dessous
  • chaque commentaire posté se verra attribuer un numéro et grâce au site random.org je tirerai au sort un numéro de commentaire
  • la date limite de participation est fixée au vendredi 30 aout 23h59
  • je contacterai par mail la personne qui aura laissé le commentaire correspondant au numéro tiré.
  • Dernière chose : jouez le jeu, laissez un commentaire autre qu’un laconique  « bel article ! » … soyez prolixe 🙂