L’histoire de la photo animalière boudée
Quiconque commence à s’intéresser à la photographie animalière se penche tout d’abord sur le matériel à acheter. Je ne va pas vous mentir, c’est une des toutes premières chose que j’ai faite quand, début 2007, j’ai commencé à tenter de photographier les animaux. Et vous aussi non ? 😉
Ensuite, vient un deuxième temps. Celui des connaissances naturalistes. Ou comment se rendre compte que le matériel ne fait pas tout, loin de là !
Et l’historique de la photo animalière dans tout ça ? Combien parmi nous, passionnés de photo animalière, avons été intéressés à la petite histoire de cet univers photo ? Vraiment, mais alors vraiment pas beaucoup de monde.
Pour s’en convaincre, il suffit de recenser les livres dits de « technique photo » à traiter ce sujet. J’en connais un seul me concernant, c’est celui de Gilles Martin « photographier la nature dans tous ses milieux » (c’est aussi le premier livre que je me suis acheté pour apprendre la photo animalière ! 🙂 )
Celui d’Erwan Balança « photographier les animaux, Guide pratique » que j’avais testé n’en parle pas, par exemple. Ni celui de « Photographier la nature en numérique » de Louis Marie Préau.
Bref, ne jetons la pierre à personne. C’est un fait, on ne s’intéresse guère à l’historique de la photo animalière. Et c’est un tort.
Je vous mets une citation de Christine de Suède (reine de Suède de 1632 à 1654)
La science de ton passé est ton passeport pour l’avenir ; Maximes et pensées (1682)
Je trouve cette maxime parfaite pour le présent article. Et surtout très bonne pour prendre conscience que de ne pas connaitre nos aïeux photographes est préjudiciable.
Entendons nous bien. Quand vous aurez fini de lire cet article, vous ne photographierez pas mieux le chat sauvage. 🙂 Non. Par contre, vous serez, j’espère, capable de prendre un peu de hauteur. Capables de vous dire que, lorsque vous appuyez sur le déclencheur à 1/1250 avec une mise au point ultra-sonique sur un objectif stabilisé ouvert à f/4, il y a 50 ans à peine, vous auriez dû faire une MAP manuelle, avec un cailloux aux airs de bazooka aussi lourd que peu performant.
Cet article devrait donc vous permettre de mesurer la chance que vous avez, pardon, que nous avons, de jouir de notre passion grâce aux fabuleuses avancées technologiques que nous connaissons depuis 200 ans.
La photographie animalière à la préhistoire
Gnééé ?! Là, vous devez vous dire que j’ai craqué ! 🙂 Evidemment, nos lointains ancêtres ne faisaient pas de photo animalière (sans blague !). Par contre, si je vous dis Grotte Chauvet, Grottes de Lascaux, vous me répondez … peintures rupestres n’est-ce pas ?
Et oui, de tout temps l’homme ressent le besoin de s’approprier l’animal sauvage par sa représentation. Les raisons sont très différentes selon les époques.
Pour les hommes des cavernes, les scientifiques pensent qu’une des explications de ces dessins était de permettre aux chasseurs d’augmenter leurs chances futures de tuer l’animal convoité.
On ne saura jamais vraiment le pourquoi de ces peintures, mais une chose est certaine : l’homme s’est toujours entouré de représentations animales. Des dessins, des peintures, des sculptures. Mais aussi des trophées.
Songez deux secondes à la tête de sanglier empaillée trônant au dessus de la cheminée de chez papi René. Au delà de l’aspect esthétique (très) discutable, c’est un des moyens qu’utilise l’homme pour montrer sa supériorité sur l’animal.
Ce n’est ni plus ni moins que ce que font encore de nos jours certains peuples dits primitifs en se parant des peaux ou des dents des animaux tués.
Vous pensez qu’on est loin de la photo animalière ? En termes de techniques et de moyens, oui, c’est sûr, à des années lumières. Mais en termes de symbolique, pas trop je trouve.
Certes, je ne connais pas un photographe animalier qui photographie le chat sauvage pour montrer sa supériorité ! 🙂
Mais je l’ai dit, l’homme, quelques soient les époques et les lieux, a toujours éprouvé le besoin de représenter la faune de son environnement. Peintures, sculptures, tapisseries, photos, trophées, peu importe le moyen.
La vraie histoire de la photo animalière
Avant de parler concrètement d’appareils photos, aussi vieux soient-ils, je voudrais qu’on ai tous une pensée pour Jean-Jacques Audubon. Son nom ne vous est certainement pas inconnu. Américain d’origine française né en 1785, il est tout simplement considéré comme le premier ornithologue de ce qu’on appelle le nouveau monde. Sa fiche Wikipédia est très complète, n’hésitez pas à la consulter.
Pourquoi diable je demande une pensée pour ce cher Jean-Jacques ? Parce qu’en tant qu’ornithologue, la technique qu’il utilisait pour observer à loisir l’avifaune d’Amérique était assez incroyable. Il tuait les oiseaux puis il les mettait en forme avec du fil de fer afin de leur donner une posture plus « naturelle ». C’est fou non ?
Ne pouvait-il pas tout simplement utiliser une Longue-Vue Kowa Apochromatique, multicouches verres ED Garantie 30 ans ? 🙂 🙂
Je vous raconte ça parce que je veux qu’on prenne bien tous conscience des outils extraordinaires qu’on utilise au quotidien.
Donc la prochaine fois que vous mettrez votre oeil dans les oculaires de vos jumelles, pensez à Jean-Jacques Audubon devant plomber l’oiseau pour parvenir à l’observer.
Nous sommes maintenant dans les années 1820. Un inventeur de génie, français en plus de ça, invente la photographie. Il s’agit de Nicéphore Niepce. En 1826 il effectue ce qui est considéré comme le premier cliché. Il a fallu 10 heures de poses pour obtenir un résultat, comment dire, manquant légèrement de piqué 😉
Louis Daguerre, encore un français, reprend la technique de Niepce, et l’améliore. Il ne faut maintenant « plus que » quelques dizaines de minutes pour faire une photo. Nous sommes en 1839 et ça s’appelle le Daguerréotype … un brin mégalo le Louis Daguerre non ? 😉
Le daguerréotype est même commercialisé. Mais la technique utilise un procédé uniquement un positif ce qui interdit la reproduction d’images.
Et la photo animalière à cette époque, alors ? On n’y est pas encore. Photographier un animal sauvage avec un temps de pose de 10 heures était évidemment impossible. Ce fut à peine plus envisageable avec un daguerréotype.
Et oui, pour l’heure, les temps de pose ultra longs obligent à utiliser des sujets immobiles.
Il fallu attendre les années 1850 pour que la photographie animalière pointe le bout de son nez. Mais avec des animaux inertes. Morts quoi 🙁 .
Et au passage, notons l’invention par Talbot (un anglais) du fameux négatif avec le procédé Négatif-Positif.
Mais ce qui intéresse les naturalistes, c’est avant tout d’avoir un temps de pose assez bref pour photographier les animaux vivants.
Ce n’est que vers 1870 que les premières photos d’animaux vivants furent réalisées. Attention, la technique vaut le détour : il fallait donner un coup de sifflet pour que l’animal marque un temps d’arrêt. Ah oui, je ne vous l’ai pas dit : ce sont des animaux captifs en zoo. Non, les animaux sauvages ne sont pas encore immortalisés sur pellicule. On doit ça à Louis Rousseau, premier photographe du Museum d’Histoire Naturelle à Paris.
Vous pouvez aussi tenter l’astuce pour votre prochaine sortie ! 🙂
Poursuivons avec Etienne-Jules Marey. Ce géo-trouve-tout né à Beaune en 1830 invente le fusil photographique en 1882. Son invention est capable de shooter un sujet en mouvement (tiens, tiens …) sur 12 poses en une seconde. On y est ! Photographier la nature sauvage est enfin possible. Enfin presque : la diffusion à l’échelle industrielle pour une utilisation loisir n’est bien sur pas dans l’air du temps.
Les français passent ensuite la main aux anglais au début du 20ème siècle. Ces passionnés d’oiseaux devant l’éternel vont être les précurseurs de la photo d’animaux sauvages. Les obturateurs sont de plus en plus rapides et peuvent aller jusqu’au 1/1000 s vers 1930 !
En plus, on assiste à cette époque à une réduction de la taille et du poids des appareils, jadis très lourds et très encombrants. Conséquence directe, les naturalistes emportent leurs nouveaux joujoux sur le terrain.
Les américains commencent à s’y mettre aussi. La National Geographic Society (le fameux National Geographic d’aujourd’hui) commence à publier des images spectaculaires pour illustrer leurs bulletins.
Tout devient plus rapide, plus petit et plus performant. Tout en restant très loin de nos standards actuels ! Les photos sont en noir et blanc et moyennement définies. Pourtant, tout va encore s’accélérer très vite.
On parle maintenant de chasse photographique, et les français reviennent sur le devant de la scène. Citons par exemple Jean Dragesco (oui, le papa d’Eric Dragesco que j’ai interviewé ! ). Il crée le fusil photographique moderne en 1950 et permet d’améliorer les conditions de prise de vue.
Sauf que les qualités optiques des objectifs de l’époque sont faiblardes. Par exemple les bords des images sont très flous alors que seul le centre de l’image reste nette.
On change à présente de continent, pour se rendre en Asie, au Japon. Des marques comme Konica, Nikon, Canon, Pentax ou Minolta produisent les téléobjectifs performants tels qu’on les connait maintenant. Nous sommes dans les années 1970. Ça y est, on entre de plein pied dans la photographie animalière.
Je ne vous refait pas l’histoire de la révolution numérique. Nous sommes en plein dedans. Les avancées technologiques permettent aujourd’hui au plus grand nombre de pratiquer cette formidable passion qu’est la photo animalière.
Allez, si quand même, pour le plaisir, je vous ressors un vieil article du blog. Cliquez ici, ça vaut son pesant de cacahouètes !
Quelques grands noms de l’histoire de la photo animalière
- James Chapman ramena 200 images d’une expédition africaine en 1862. Mais ce sont des bêtes … mortes abattues au fusil. Pas mieux pour faire immobile.
- William Henry Jackson des photos de paysages qui ont amené le congrès américain, en 1872, à faire de Yellowstone le premier parc national du monde.
- Les frères Richard et Cherry Kearton : lui et son frère Cherry Kearton furent des pionniers dans le domaine de la photographie de nature. Ils sont connus pour leurs photographies d’oiseaux, d’œufs et de nids, ils ont trouvé des solutions à beaucoup de problèmes et ont en particulier utilisé des affûts.
- Fréderick Champion : en Inde dès 1924 où ils ont ont photographié des fauves
Pour aller plus loin, vous pouvez acheter le livre Pionniers de la photographie animalière aux éditions Pôles d’image
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[…] photo, il faut bien souvent faire preuve d’une grande ingéniosité. Souvenez-vous des pionniers de la photographie animalière ! Surtout dans des années pendant lesquelles la technologie n’était pas la même que […]
[…] pourquoi tout photographe animalier devrait connaitre l’histoire de la photo animalière […]
Bonjour,
Article très intéressant.
Une petite erreur cependant (mais qui n’a pas de conséquence) William Fox Talbot est un photographe anglais et non américain. Ce qui a valut, une fois de plus, de redorer l’amitié franco-britanique. Le système de Talbot est plus proche de la photographie actuelle, mais son procédé breveté donc payant, n’a pu se défendre contre le système français (Daguerréotype) « offert au monde » en 1839.
Quand à la première photo, Antoine mentionne 1822, je suis étonné. J’ai toujours lu qu’il y avait un doute entre 1826 et 1828, mais je n’ai jamais entendu parler de 1822.
Tout ceci pour couper des cheveux en 4, mais cela ne change pas la qualité de synthèse de votre article.
Merci Edouard pour toutes ces précisions ! Et la petite erreur est corrigée. 🙂
Excusez, j’ai oublié de corriger, la première photo, c’est 1822 et non 1826. Voici un lien : https://www.flickr.com/photos/antoinecayla/24031370979/in/dateposted-public/
Mais cela ne change pas grand chose. Encore merci Régis
Salut à tous, salut Régis,
Merci Régis, bonne idée ce petit cours d’histoire. Je me permets d’ajouter que Niepce était non seulement français, mais aussi Bourguignon, comme toi, mais du sud, au sud de Chalon-sur Saône, la maison qu’il a photographié est à Varennes le Grand. Petit détail supplémentaire à propos du courage de ces pionniers de la photo, leur support, avant l’invention de la pellicule était des plaques de verre. C’est lourd et ça casse, ce n’est pas une carte micro SD 🙂
Hello Antoine, merci de la précision. C’est vrai ça devait être une aventure de tous les instants !
Un petit commentaire suite à un mail de René, lecteur du blog :
De mon côté, j’ai un fusil pour prendre des vidéos animalières.
J’ai simplement demandé à un ami armurier d’ajuster mon appareil sur une crosse.
Beaucoup moins de tremblements avec le Bridge Nikon zoom optique 42
très intéressant comme d’habitude.
Petite question, je n’ai pas encore cherché mais existe t’il une première photo numérique ? comme la première de Niepce.
bon j’ai trouvé cet article pour le premier appareil, presque pratique 😉
http://www.laboiteverte.fr/le-premier-appareil-photo-numerique/
Merci Régis !
Article vraiment très intéressant et très bien fait !
Qu’avaient dans la tête les « génies » de ces époques ? J’ai du mal à imaginer les journées de ces pionniers… Plus qu’une passion, les animaux et la photographie étaient leur vie.
Merci pour l’article, très intéressant.
Pour la digiscopie, c’est de la photo avec un objectif un peu particulier.
Bon, ce n’est pas évident de faire autre chose que du portrait mais les grossissements sont imbattables.
On peut aussi faire de la photo avec un verre comme objectif, c’est marrant mais c’est un autre sujet.
Très bon article, merci !
Et bien merci à toi Isabelle d’être passée sur le blog ! 🙂
Bonjour Régis
Pour la photo animalière que pensez vous de la digiscopie ? Est ce encore de la photo ?
http://www.digiscopie.info/
Merci
JC
Oh oui JC c’est de la photo .C’est même de la photo animalière mais qui n’est possible que dans un contexte particulier : animal immobile, conditions de lumière excellentes mais surtout pas avec des animaux en mouvement.
Article très intéressant, merci 🙂
En effet sujet interressant..
Je me permets ce complément..
Un petit clin d’oeuil au musée de la photographie Nièpce à Chalon sur Saone,pour ceux qui ne connaissent pas.
Salut Gérard,
bonne idée, je mets le lien : http://www.museeniepce.com/
Bonjour Régis merci , pour cette un article très intéressant , retrour dans le passez avec un peu d’histoire encore Merci
très intéressant
ça du l’être aussi pour toi de faire ces recherches
ah oui je te confirme. J’ai appris pas mal de choses notamment sur l’historique du National Geographic Society sur lequel j’ai pas mal fouillé … mais je n’ai pas tout mis dans l’article 🙂
très intéressant on apprend plein de chose avec cet article
.
La photo d’oiseau en 1882 est vraiment impressionnante je ne pensais pas qu’une telle réalisation était possible à cette époque !
c’est bluffant, c’est sûr ! Ce que je n’ai pas dit dans l’article, et c’est ce qui m’impressionne c’est qu’aujourd’hui les avancées technologiques sont le fait de grosses entreprises avec des millons en R&D. Alors qu’à l’époque, c’était des gars tout seuls dans leurs coins. Des geo-trouve-tout de génie.
article intéressant, je n’avais jamais entendu parler du fusil photographique, mais l’idée semble très bonne pour maximiser la stabilité…
Par contre il me semble qu’il manque un lien a la fin dans la phrase : « Allez, si quand même, pour le plaisir, je vous ressors un vieil article du blog. Cliquez ici, ça vaut son pesant de cacahouètes ! »
Quel article ?
Salut Ary
ah oui effectivement, un oubli de ma part. C’est corrigé merci ! 🙂