Cet article est rédigé dans le cadre de la 6ème édition de la Boite à Photos, réunion de 15 blogs francophones traitant de photographie en tous genres. Ce collectif fête ses 1 ans et pour cette belle occasion, c'est Sébastien Fanger du blog sfphotos.fr qui organise cette édition. Le thème choisi est L'Expérience. Vaste sujet, passionnant et importantissime ! Suivre @LaBoiteAPhotos
L’expérience ? C’est quoi ?
L’avantage avec la langue française (ou l’inconvénient, mes élèves peuvent en témoigner tous les jours) c’est que la plupart des mots recouvrent plusieurs acceptions (avec cette fin de phrase je viens de perdre la moitié des lecteurs). Bon je reprends : toi devoir comprendre que mots français avoir sens différents (et là, c’est l’autre moitié qui fiche le camp, vexée d’avoir été pris pour des noeuds-noeuds). Tant pis je continue pour les 3 lecteurs qui restent 🙂
Je disais donc que très souvent un même mot possède des significations différentes. Prenez, au hasard, le terme Expérience :
- sens de expérimentation : faire l’expérience d’une plante médicinale
- sens de vérifier une hypothèse : expérience scientifique
- sens de mettre à l’épreuve : tenter une expérience de colocation
- sens d’un savoir issu d’une pratique : joueur avec de l’expérience.
J’admets que ces 4 définitions sont assez proches les unes des autres et que les frontières entre chacune sont assez floues.
Mais en quoi peut-on en tirer avantage ? Et bien nous pouvons choisir, parmi celles disponibles, la valeur qui nous arrange ! En fait, qui m’arrange 🙂
Tandis que je découvrais le thème de la 4ème édition de la Boite à Photo, je pensais de suite à mon article : « aouch ! En quoi l’expérience en photographie animalière peut-elle faire de vous un meilleur photographe » … un sujet du bac de philo non ? Bouge pas mon p’tit gars que je me suis dit : « tu vas pas de casser la tête, entre toutes les significations du mot Expérience, tu te choisis celle qui t’arrange ! »
Alors j’ai pris celle-ci : l’expérience est un savoir, une connaissance tirée d’une pratique de terrain. C’est l’apprentissage sur le tas, à la dure, en mode essais – erreurs.
Vous savez comment ça se passe, on balance une belle phrase théorique, et après coup il est nécessaire d’attester par l’exemple. Ca tombe bien c’est exactement ce que j’ai prévu de faire : prouver, par 2 cas concrets, que parfois, rien ne remplace le savoir forgé par l’expérience. Ni les lectures des magazines et ni celles des livres (même pas le guide pratique d’Erwan Balança Photographier les animaux, petite auto-promo au passage 🙂 )
Je le dis autrement, faut bien contenter tout le monde, vous aurez beau bouffer quantité de livres, viendra un moment où vous serez confronté à l’inconnu ! Ce sont précisément ces instants qui vous apporterons l’expérience, et, in fine, le savoir.
Cas n°1 : la connaissance des animaux
Le guide complet des mammifères de France et d’Europe édité chez Delachaux et Niestlé est ZE guide naturaliste traitant des mammifères de chez nous. Entre nous, sachez que ce type d’ouvrage ne se lit pas par curiosité : la mise en page, la taille de la police n’invitent guère à la lecture plaisir. C’est la recherche d’informations précises qui vous fait ouvrir ce guide.
C’est au début de mon projet de suivi d’un clan de lapins de garenne que j’ai longuement parcouru les pages concernées par les lagomorphes (les lapins et les lièvres quoi).
Une lecture attentive permet d’apprendre à les identifier, leurs types d’habitats, leurs comportements et tout une série d’autres choses bien passionnantes (comme de savoir qu’un pauvre lapin atteint de myxomatose meurt au bout de 12 jours 🙁 ).
Le comportement tiens, c’est le point essentiel à maitriser pour se donner toutes les chances d’observer, de s’approcher et enfin photographier. Vous lirez que les lapins de garenne vivent en clans familiaux et s’organisent pour défendre leur zone d’activité, notamment en tapant du pied pour prévenir d’un danger. Parfait, tout ça !
Pas tout à fait. Mes nombreuses heures passées sur le terrain à observer ces lapins m’ont permis d’apprendre que systématiquement, dans cette garenne et pour ce clan en tout cas, un lapin « éclaireur » sort toujours avant les autres. S’il y a une balle à prendre, c’est lui qui la prend. Son rôle ? Prévenir les copains des trucs louches dans le coin (genre un photographe sous des branches).
Mes lectures encyclopédiques ont été nécessaires mais pas suffisantes :
- Nécessaires pour savoir qu’un lapin de garenne émet des signaux envers ses congénères
- Insuffisantes car je n’y ai pas découvert la technique du lapin éclaireur
L’expérience du terrain a complété mon savoir livresque. C’est précisément ce type de connaissances que vous ne vous forgerez qu’à force de temps passé sur la place.
Cas n°2 : bien débuter en photo animalière
En débutant la photographie animalière, le néophyte, pressé de ramener des bonnes photos, pratiquera d’emblée la photo à l’approche plutôt que celle à l’affût, car, pense-t-il, l’affût est bien plus difficile à mettre en oeuvre qu’une balade photographique.
Pensez : monter une cache, c’est se poser quantités de questions ! Où mettre l’affût, comment le fabriquer, quelle forme, pour quelles espèces, et j’en passe. Alors qu’une sortie à l’approche, c’est à priori plus simple : appareil et jumelles autour du cou et en avant Guingamp. Rapide, facile, pas contraignant, tout est bon pour ramener vite fait bien fait des clichés.
C’est en tout cas exactement comme cela que j’ai raisonné quand j’ai réellement commencé en 2005-2006. Hâté que j’étais pour vite mettre en boite, ben oui, faut bien justifier l’achat du boitier et du 70-300 mm ! J’en ai fait des billebaudes, et j’en ai ramené des photos, pour sûr ! Des passereaux de loin (c’est que ça ne remplit pas une image une mésange quand on ne parvient pas à s’approcher à moins de 10 mètres !), des lapins de très loin, des buses de très très loin. Voilà en gros mes trophées de l’époque. Pas génial du tout.
Nous sommes en 2013, 8 ans ont passé (putain, 8 ans !). Si c’était à refaire, je ferais différemment. A l’époque, quel était mon but : me faire plaisir rapidement et ramener vite fait de bonnes images. Si je débutais aujourd’hui, je garderais donc cet objectif, cependant je changerais de méthode !
D’abord et avant tout l’affût ! J’ai connu mes vraies premières émotions (le coeur qui bat fort) en affût, pas à l’approche. Pire, pratiquer systématiquement l’approche comme je le faisais, sans réelle maitrise et connaissance du terrain, aurait pu me dégoutter de la photo animalière tant mes frustrations étaient grandes (satanés mésanges fuyant à chacun de mes pas).
Où je veux en venir ? Ici encore, vos lectures indiqueront des idées, des conseils. Mais à terme, c’est VOUS et vous seul qui déciderez de vos orientations photographiques à force d’expériences. Affût ? Approche ? Aucune des deux n’est dans l’absolu meilleure qu’une autre … sur le papier. Dans votre terrain de jeu, l’une prendra le dessus sur l’autre. C’est certain.
Ce sont donc mes sorties répétées depuis des années qui m’ont convaincu de la supériorité de l’affût face à l’approche, pour MOI. Ainsi, je sais que je tirerai le meilleur de ma pratique en photographiant depuis une cache. Et je n’ai pas lu ça dans les livres : je le tire de mon expérience !
Conclusion
Ne retenez qu’une seule chose de cet article : les livres, les magazines, les forums, les conseils glanés ici et là, c’est nécessaire, mais surtout pas suffisant.
Vous ne pourrez pas vous constituer un savoir encyclopédique en photo animalière seulement en vous documentant. Il faudra passer par la case pratique. Lire et pratiquer. Les deux. Pas l’un puis l’autre, l’un ET l’autre. J’apprends, je teste, je me trompe, je relis, je recommence, je re-teste, je me re-trompe (bon, là, ça craint c’est la 2ème fois ! 🙂 )
[…] « 2 cas démontrant la nécessité de l’expérience » par Régis de Auxoisnature.com […]
Dans la photo animalière l’expérience est sans aucun conteste un plus avec un grand « P ».
La connaissance de son sujet et du terrain.
Contrairement aux personnes les animaux ne donnent que ce qu’il veulent il faut être près et savoir comment et où saisir ce que l’on veut …
Salut Régis, pour le martin pêcheur j’ai faitdes heures d’affuts..pafois il se posait sur la branche au dessus de moi, parfois un peu plus loin…Pour les hiboux des marais, les pies grièches je fais d’avantage d’affut-mobile…dnas ma voiture ça marche bien aussi..En fait la billebaude je ne la fais que lorsque je pars repérer les bois..ou que je cherche les isards..Actuellement je cherche désespérement à faire du renard dans de bonnes conditions : Il y en a tout plein c’est sûr mais . trop chassés, trop de champs pour faire des affuts..s’il y a des lecteurs de l’Ouest qui acceptent de partager leur expérience …
Merci pour cet article Régis
[…] « 2 cas démontrant la nécessité de l’expérience » par Régis de Auxoisnature.com […]
Salut Régis,
Pour moi, l’affût et la billebaude sont complémentaires.
Pour les oiseaux, lapins,, grues, etc… l’affût est indispensable pour avoir des photos de belles qualités.
Mais pour ce qui est du chat forestier, renard, sanglier, la billebaude est plus adaptée.
Car on a beau se placer en affût pour l’animal tant convoité, s’il sort à l’autre bout du champs, tu peux rester toute la journée, il ne viendra pas vers toi.
où alors un coup de bol!
J’ai fait l’expérience pour le chat forestier.
C’est vrai que l’on a le coeur qui bat la chamade quand on est en affût et que l’animal approche.
bonne continuation.
Salut Christian,
Fabrice Cahez est le maître dans l’art de la billebaude. Ses portraits de chats forestiers sont à couper le souffle. Pour les oiseaux, c’est certain qu’un affût permet d’avoir les meilleurs résultats, leur excellente vue est difficile à contre-carrer !
Salut Régis,a tous,
Très bon article Régis,je constate souvent a mes dépends que l’expérience compte encore plus en photographie animalière que dans les autres disciplines,le seul animal que je réussi a shooter a peu près convenablement sans le faire fuir et bien c’est moi ! ;-),non sans rire,l’animalier est une discipline difficile car avec eux on ne triche pas !
Perso mon plus gros soussi est de ne pas les déranger et ce n’est pas évident lorsque comme moi on est malentendants !,adorateur respectueux de la nature et de mes frères a plumes ou a poils.
Bon annif à « La Boite a Photos » et merci à celles et ceux qui en on fait ce qu’elle est.
p’titJo
hello P’tit Jo 🙂 ,
Y a des pseudos, comme le tiens, rien qu’en l’écrivant on a envie mettre un smiley à coté !
Sympa de faire un petit clin d’oeil au 1 an de la Boite à Photo.
Je pratique les deux: la billebaude lorsque je suis avec mon chien et sinon l’affût. Mais je dois reconnaitre que je n’ai jamais pu photographier, ni vu le sanglier en affût. Les rencontres avec lui se sont toujours faites en me rendant en affût, et souvent des face à face au détour d’un chemin. J’espère cette année y remédier et pouvoir leur tirer le portrait de plus belle manière. Rien ne vaut la connaissance de l’animal, son mode de vie, et surtout la plus grande discrétion pour ne pas le déranger.
L’affut le plus commun et assez efficace, la voiture et mieux, le camping-car.
Bien sûr pas avec toutes les espèces…
Mais, perdu dans la campagne, loin du bitume, dans un très bon confort, on peut réellement avoir des approches très agréables, caché derrière ses rideaux.
Je ne parle pas des grosses cellules blanc immaculé.
Mais mon petit VW qui se glissait partout ma permis des moments délicieux car les animaux se font vite à un nouvel élément tant qu’il ne voient pas « l’homme ».
Exact, pour compléter ce que tu dis sur les affûts en voiture, possible de lire mon article la-dessus : https://www.auxoisnature.com/2012/08/12/utiliser-voiture-affut-photographier-animaux/
Coucou gamin 😉
Article intéressant mais effectivement on ne fait pas les mêmes photos en billebaude qu’à l’affut.
L’intérêt de la billebaude c’est la promenade et la photo conjuguées, ça demande aussi de laisser une part à la chance ;
mais même dans ce cas il faut connaître les habitudes de nos amis à poil ou à plumes : heures d’activité, le type de terrain, s’ils descendent manger ou non etc.
Plus on en sait mieux on progresse (ou du moins on essaie, là je parle pour moi …)
Bise de crevette grise
Hello crevette grise 🙂
J’adore le coucou gamin ! Faudrait pas que mes élèves voient ça sinon je suis cuit !
Que ce soit en billebaude ou en affût, la connaissance des habitudes de vie et des comportements des animaux est in-dis-pen-sable.
A plus ! 🙂
Je n’ai malheureusement pas la chance, la possibilité de faire de l’affût (pour des raisons logistiques et physiques) alors je fais principalement de la photo d’insectes (entre 1000 choses hein, je fais pas que ça).
C’est une autre façon d’aborder le vivant et là on est moins dans la vue d’ensemble que dans le fait de pratiquement se fondre dans le décor et se mettre à hauteur (avec l’aide d’une loupe des fois) de l’insecte car il faut parvenir à le débusquer dans une masse gigantesque de végétation en fouillis.
En revanche c’est exactement la même chose à propos des connaissances, comme tu le dis: mieux on connaît les milieux et les espèces qui y vivent et mieux on sait quelles espèces pouvoir rencontrer. Mieux on connaît ces espèces et mieux on sait comment les aborder, l’expérience du terrain aidant. La réelle difficulté c’est qu’avec les insectes ça suppose aussi d’avoir des connaissances en botanique, c’est d’autant plus vrai pour les papillons et chenilles par exemple qui ont plusieurs plantes dédiées.
Personnellement je fais les deux en même temps: me documenter avec des guides ou internet et identifier, prendre des notes, parfois rechercher une seule espèce sur le terrain. Ce qui est intéressant c’est de pouvoir se positionner en naturaliste, comme si telle ou telle espèce était découverte pour la première fois et que notre observation permettrait d’en apprendre plus alors qu’en fait l’expérience est strictement personnelle et pas inédite pour le monde scientifique.
Enfin, la billebaude pour les oiseaux, je m’y suis essayée et c’est en effet difficile surtout avec les espèces les plus farouches et dotées d’une excellente vision. Ma seule maigre réussite de cette année a été un petit roitelet huppé, vu pour la première fois. Une expérience sympa, d’autant qu’il sondait les feuilles à la recherche de nourriture.
Bref, même si niveau photo ça aurait pu être mieux (quoi que je ne me plains pas de ce que j’ai ramené) l’expérience du terrain elle reste toujours acquise et à mon sens presque plus importante que la photo finale elle-même! 😉
Merci pour tous tes articles bien sympa et bonne soirée!
Salut Estelle et bienvenu sur le blog 🙂
je suis allé voir ton blog et c’est clair que tu ne fais pas que de la photo d’insectes !! Tu touches à tout et ta page Flickr le démontre. Tes images de chats (domestique) valent le détour.
Pareil que toi : je trouve qu’un des aspects les plus passionnants dans la photo animalière est l’apprentissage des notions naturalistes. Je ne lis pas le Guide complet des mammifères de France comme livre de chevet trop chiant à lire (sauf pour identifier) par contre, j’ai tout un tas de lectures bien ludiques comme 300 questions sur les insectes notamment.
A bientôt Estelle et merci pour ton témoigne super complet !
En effet, l’expérience des animaux permet d’anticiper les déplacements et les réactions. L’expérience du terrain et de la météo pour prérégler son matériel.
Mais pour débuter la photo, je conseille néanmoins la billebaude. Pour sortir et faire un peu de tout (même pas terrible) mais surtout, pour commencer à comprendre la nature et repérer les lieux. Ensuite, quand on veut avoir des photos de qualités, on a déjà une idée de l’endroit pour planter son affut. Car effectivement, l’affut est l’idéal pour la photo animalière.
Évidemment cela est à adapter en fonction des espèces que l’on souhaite tirer le portrait.
Salut Alex,
oui, je te rejoins à 100 %, peut-être que j’aurais pu insister sur ce point dans l’article : faire de l’approche est indispensable pour « apprivoiser » les lieux. L’idée peut être de faire comme les animaux territoriaux : connaitre intimement une zone en la parcourant en long, en large et en travers, même sans prendre de photos d’ailleurs. Et pour ça, rien de tel que la billebaude.
Peut-être plus que dans d’autre disciplines, l’expérience est indispensable en photo animalière.
On ne peut évidemment pas demander à un animal sauvage de prendre telle ou telle pose ou de patienter quelques minutes le temps de peaufiner nos réglages sur l’appareil photo…
Il faut donc (et tu l’expliques très bien) avoir une parfaite connaissance théorique et pratique des animaux. Sinon, sauf coup de chance, il faudra repasser pour avoir une photo acceptable 😉
Arf … on peut toujours demander à l’animal de se mettre dans une position particulière, c’est juste que c’est voué à l’échec ! 🙂
Merci à toi pour ton commentaire Fabien
C’est vrai si lorsqu’on est en affut l’émotion est forte tellement qu’on est près des animaux.
Mon blog photo http://natureetpaysage.centerblog.net/
Merci pour votre article et explications , pour ma part j’en suis au début (l’approche « bruyante » qui fait fuir tout ce qui bouge!
promis je change de tactique.
Merci a vous pour vos magnifiques reportages.
cordialement.
alain danne
Salut Alain,
je suis désolé mais je vais être obligé de te tirer les oreilles ! Ici, on ne vouvoie pas !! 😉
Le 1er qui vouvoie est obligé de copier 3 fois le manuel complet de son reflex dans toutes les langues !! 🙂
Tu peux tenter l’affût si tu estimes que l’approche pour le moment ne te donne pas satisfaction. C’est à tenter. C’est à toi de trouver ce qui te va le mieux. J’avais écris un article sur justement la différence entre Affût et Billebaude : https://www.auxoisnature.com/2011/11/12/billebaude-contre-affut-que-choisir/