Dans cette interview du photographe animalier Loic Lechelle, vous apprendrez :

  • le parcours de Loïc Lechelle
  • son projet de WebDoc Rivières Oubliées
  • comment bien préparer son safari photo
  • quelle est la meilleure période pour faire un safari photo
  • le cout d’un safari photo
  • quelle est la meilleure façon de tirer profit d’un safari photo.

Vous pouvez retrouver tout le travail de Loïc  Lechelle sur son site internet en cliquant ici.

Loïc n’est pas seulement photographe animalier, il est aussi (et surtout ?) formateur et guide de Safari pour l’excellente entreprise Kenyane de Safari photo Melting Pot Safari. Autre corde à son arc, Loïc est chef d’entreprise de la société de production audiovisuelle Megapix’ailes

Enfin, je vous invite vraiment tout particulièrement à découvrir son superbe projet de WebDoc Rivières Oubliées. Le premier opus est sur la rivière Horton au Canada. Je l’ai vu, je vous assure qu’outre le concept novateur, le visionnage de ce Web documentaire est un régal !

D’ailleurs, pour les photographes qui ont la fibre aventurière, je vous conseille de jeter un coup d’oeil au prochain voyage qu’organise Loïc dans une des plus sauvages rivières du Canada : cliquez ici !

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Retrouvez ci-dessous la transcription texte de l’interview :

Régis Moscardini : Bonjour Loïc Lechelle.

Loïc Lechelle : Bonjour.

Régis Moscardini : Bienvenue à toi dans cette interview pour Auxois Nature. Je te remercie vraiment d’avoir accepté mon invitation.

Loïc Lechelle : C’est avec grand plaisir que je suis ici avec vous.

Régis Moscardini : Question habituelle : est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur toi, te présenter un petit peu plus s’il te plait ?

Loïc Lechelle : Moi, je suis photographe parmi d’autres activités, notamment chef d’entreprise d’une boite de production audiovisuelle.

Régis Moscardini : Qui s’appelle comment ?

Loïc Lechelle : Qui s’appelle Megapixel.

Régis Moscardini : D’accord.

Loïc Lechelle : Dans cette société on fait du documentaire, on fait un peu de projet institutionnel mais dédié au monde de l’outdoor, de la découverte et de la nature. Grâce à cette structure, j’ai pu pas mal voyager et créer des documentaires sans  pour autant y être convié, c’est-à-dire que c’était dans le cadre de projets personnels à la base et grâce à des séjours chez certaines agences de voyage qui avaient besoin d’images, j’ai pu également faire des images pour moi. A force d’accumuler des photos et des vidéos, ça permet de faire des autoproductions qui sont sympas, notamment Les rivières oubliées, c’est un webdoc qu’on vient de terminer, qui est lancé, rivieres-oubliees.com.

Régis Moscardini : Un webdoc, ça veut dire qu’il est à destination d’Internet, pas de la télévision par exemple ?

Loïc Lechelle : Voilà. Il y a deux aspects dans le web documentaire, l’aspect effectivement 100% Internet et l’aspect interactif puisqu’on n’est pas du tout sur des formats classiques comme on pourrait voir à la télévision, comme un 52 minutes.

Régis Moscardini : Où le spectateur est passif ?

Loïc Lechelle : Là on est plutôt dans l’actif, on est sur des épisodes très courts, très interactifs puisque dans les épisodes il y a des zones cliquables et à la fin de chaque épisode qui dure entre 1 et 2 minutes, il y a une multitude d’interactions possibles, du coup on ne s’ennuie jamais dans un webdoc, il y a plein de choses à voir, à revoir, à réécouter. C’est le zapping mais tourné dans le bon sens puisqu’on n’a pas trop le choix de zapper et rezapper pour continuer l’aventure.

Régis Moscardini : C’est intéressant. C’est peut-être le futur format du web, d’Internet  et ne pas rester dans l’aspect passif, attendre que ça se passe.

Loïc Lechelle : C’est tout à fait le cas. On a vraiment l’impression dans les boites de production vidéo que les gens sont de plus en plus exigeants en termes de contenus. Youtube nous fait la joie d’avoir un contenu immense publié par des milliers d’amateurs, millions même, mais également professionnels. Du coup on a vraiment la tendance zapping, encore plus qu’avant. C’est vraiment une tendance durant ces 5 dernières années qui est plutôt exponentielle. Plutôt que d’aller à l’encontre de ça, on a décidé au sein de Megapixel de se lancer dans l’univers du webdoc et on s’est lancé dans l’autoproduction de Rivières oubliées.

Régis Moscardini : Tout de suite on parle de ça et on reviendra ensuite sur ta bio. Mais tu vas dire qu’on ne va pas empêcher le clic du spectateur, on va plutôt l’encourager mais l’encourager dans le bon sens avec un clic qui va le faire rester dans le thème du documentaire qu’il est en train de regarder. C’est valable pour l’animalier pour toi avec Megapixel mais j’imagine que c’est valable aussi pour plein d’autres domaines du documentaire ?

Loïc Lechelle : Oui, tout à fait. Il n’y a aucune limite de sujets. Moi l’animalier, évidemment c’est ce qui me passionne, je peux rebondir là-dessus. J’ai commencé la photo quand j’avais une dizaine d’années et directement sur l’animalier. C’est ma sœur qui avait du matos photo, qui faisait de l’humain, elle était passionnée d’ethnies, elle travaille pour Médecins sans frontières donc elle voyageait beaucoup en Afrique.

A force de voir ses photos magnifiques, en noir et blanc, en argentique, j’ai fini par me servir de son matériel et d’investir petit à petit dans le mien, dans de l’occasion. J’ai commencé dans l’argentique, ensuite développé dans des petits labos au collège ce que je faisais dans la nature. A force c’est devenu plus que ma passion, un métier.

Régis Moscardini : Il faut que je revienne vraiment sur un point de ta biographie parce que ça m’intrigue un petit peu quand même, ça me surprend, je trouve ça vraiment chouette, c’est que tu dis que dès l’âge de 10 ans tu as créé une association de protection animalière. Je trouve ça vraiment incroyable si jeune de faire ça. Comment dans la tête d’un petit garçon de 10 ans peut germer une telle idée ?

Loïc Lechelle : J’étais vraiment sensibilisé par les grosses assocs comme WWF

Régis Moscardini : Ou la LPO ?

Loïc Lechelle : Oui. J’adhérais mais je n’avais pas de moyens, je n’osais pas pousser ma mère à payer pour moi des cotisations pour aider les animaux. Dès que j’avais un petit peu de sous, d’argent de poche, j’envoyais une petite enveloppe à WWF, c’était ce genre d’actions qui me rendait content.

Régis Moscardini : Content, mais en même temps un peu frustré j’imagine. Parce que moi je cotise aussi à la LPO, on sait que l’argent est forcément bien utilisé, mais il y a un petit côté frustration parce que finalement on envoie l’argent, on peut quand même cibler son don sur différentes actions de la LPO par exemple mais n’empêche qu’il manque un petit peu de concret. C’est ce qu’il pouvait, j’imagine, te manquer à 10 ans, tu envoies un petit billet mais tu ne sais pas trop ce qu’il va se passer derrière ?

Loïc Lechelle : C’est ça. Je me souviens encore à l’époque de cette passion d’aller arpenter les étangs, les lacs qui étaient autour de chez moi, les forêts et de rencontrer parfois des espèces blessées. J’ai voulu en ramener une, deux, trois chez moi et après je suis allé voir les vétérinaires à plusieurs reprises pour des espèces sauvages blessées. J’ai senti que je gênais.

Régis Moscardini : Clairement. Les vétérinaires ne sont pas du tout formés pour ça.

Loïc Lechelle : Du coup j’ai commencé à me faire une petite salle dans ma cave, dans une extension du garage, ce qui ressemblait à une cave. Donc j’avais ce vivarium d’espèces, soit qui étaient blessées et que je souhaitais remettre sur pattes, soit quelques petits élevages d’orvets ou de phasmes. J’avais cette petite attraction pour les petites espèces sauvages.

Régis Moscardini : Ta mère devait être contente d’avoir ça en bas de chez elle !

Loïc Lechelle : J’ai eu un cumul de 48 spécimens vivants dans cette cave.

Régis Moscardini : Juste une petite parenthèse : c’est quand même interdit d’héberger chez soi même blessés des animaux sauvages. Dans ces cas-là il vaut mieux soit les laisser sur place ou appeler des services compétents. C’est vrai que les vétérinaires, tu l’as dit, sont plutôt gênés par ce genre d’opérations. Après il y a des petites boites comme Athéna par exemple si on habite dans le Nord-est de la France vers Besançon je crois, un site qui peut s’occuper d’animaux blessés. Il n’y en a pas partout.

Loïc Lechelle : C’était vraiment un endroit où il n’y avait rien. C’est pour ça que j’ai créé l’association. Avec l’association, je ne sais pas si j’avais plus le droit mais en tout cas je l’ai crié haut et fort, c’est ici qu’on soigne les animaux blessés. J’ai des gens qui me ramenaient des oiseaux dans des boites, qui s’étaient pris une vitre. Certains oiseaux sont repartis. C’est génial.

Régis Moscardini : Sans aucune compétence vétérinaire, scientifique, de médecine, rien du tout, tu réussissais.

Loïc Lechelle : Dans les bouquins, on apprend plein de choses. Finalement j’ai fait une année vétérinaire à l’issue de ça, à la sortie du lycée mais je n’ai fait qu’un an parce que ce n’était pas assez dans le concret alors que j’avais déjà fait du concret dans ma tendre enfance. Beaucoup trop de théorie.

Régis Moscardini : Tu vivais encore dans tes souvenirs de concret justement et tu voulais directement attaquer par ça.

Loïc Lechelle : Voilà. Hyper frustré. Je suis reparti dans la nature, dans l’apprentissage des sports. C’est ça ma formation complète, c’est la fac de sports. Tout ça pour pouvoir aller en pleine nature, où je voulais quand je voulais avec tous les moyens sportifs possibles puisque du coup très attiré par l’alpinisme et l’escalade pour pouvoir grimper des montagnes et aller chercher toutes ces bêtes de haut plateau, de très haute altitude. Mon rêve, à partir de l’année prochaine, je m’attaque au léopard des neiges.

Régis Moscardini : D’accord. Tu restais quand même dehors finalement, malgré une petite bifurcation de ton parcours, pas trop dans l’animalier mais dans le sportif, tu restais quand même dehors. Est-ce que ça aide d’être en pleine forme comme tu l’es certainement pour pouvoir pratiquer la photo animalière ou finalement ce n’est pas un atout plus que ça ?

Loïc Lechelle : Je dirais que c’est un atout par rapport aux sujets que tu as envie de photographier. Moi aujourd’hui il m’arrive de parler avec certaines personnes qui ont fait des trips en Alaska pour aller photographier les grizzlis. C’était épuisant pour eux parce qu’il y avait quand même pas mal de zones où il faut crapahuter, il faut marcher pendant des heures avec un sac de juste la journée, parce que généralement ils ne partaient pas avec les tentes, etc.

Moi ça m’arrive d’avoir 45 kilos sur le dos et de partir en autonomie complète. Donc ça dépend vraiment de ce qu’on a envie de photographier. Est-ce qu’il y a des lodges autour et est-ce qu’on prend juste le strict minimum pour la journée ou est-ce qu’il faut tout transporter. Là forcément on s’attaque à des espèces encore plus sauvages où le bivouac est obligatoire.

Régis Moscardini : D’accord. Tu l’as très bien dit, si on se contente de faire de l’affût tranquillement pour photographier les petits passereaux de son jardin, évidemment ce n’est pas la peine d’avoir une condition physique de sportif de haut niveau. Mais par contre si on s’attaque à des safaris photo, à des treks photo où il faut beaucoup marcher dans des environnements presque hostiles, là il vaut mieux être bien équipé ?

Loïc Lechelle : C’est sûr. Après on reparle de safaris photo, j’organise fréquemment des safaris au Kenya dans des 4×4 où l’effort est vraiment minimisé, il n’y a rien à faire sportivement parlant. J’ai des personnes de tout âge et de toute forme physique. Ça se passe très bien dans ce cas-là. Le Masai Mara est idyllique pour ça et dans tous les cas c’est interdit de sortir du véhicule. Les espèces sont faciles d’accès et on peut faire de la belle photo animalière sans avoir de forme physique. Par contre si on parle de haut plateau comme a pu le faire Vincent Munier par exemple avec ses loups d’Abyssinie, là c’est déjà une forme physique imposée qui est un peu plus poussée.

Régis Moscardini : Bien sûr. Je me souviens d’une interview précédente, de Philippe Bolle, qui est aussi une espèce de globe-trotter photographe animalier qui est allé au Spitzberg. Il me disait que c’était vraiment très bien mais très éprouvant physiquement. Il a plus de 60 ans je crois, Philippe. Il était partagé entre le fait d’avoir vécu une belle expérience de photos mais aussi d’avoir vécu des moments difficiles physiquement. Il faut aussi en tenir compte.

Loïc Lechelle : Après, la forme physique permet d’encaisser les gros changements climatiques. C’est vrai que quand on part dans des régions très froides, le fait d’être en forme physiquement permet d’encaisser plus facilement des variations de température, des coups durs, parce que physiquement on en prend un coup quand on passe un mois par -30, -40. Je ne dis pas qu’il faut être en forme pour pouvoir faire un marathon, ça ne change rien, mais être en belle forme ça permet être en forme dans sa tête aussi et pouvoir encaisser des conditions difficiles.

Régis Moscardini : Pour résumé, ça dépend de la forme physique, on en parle assez rarement finalement de la forme physique pour le photographe animalier, mais pour résumer ça dépend de l’activité, de l’espèce que l’on veut photographier mais que dans tous les cas c’est bien d’avoir une forme minimum pour pouvoir s’adapter à la plupart des projets photographiques que l’on souhaite mener.

Loïc Lechelle : En effet.

Régis Moscardini : Tu as beaucoup voyagé. J’ai lu sur ton site : Canada, Cordillères des Andes, les Rocheuses aux USA-Canada, les Alpes, les Alpes françaises et suisses, Alpes scandinaves, et pourtant tu passes plusieurs semaines par an, voire même plusieurs mois, en Afrique au Kenya pour photographier la faune de cette région du monde. Pourquoi un tel attachement à ce pays alors que tu en as connu beaucoup d’autres par ailleurs ?

Loïc Lechelle : Ça vient du Roi lion.

Régis Moscardini : Sérieusement ?

Loïc Lechelle : Oui.

Régis Moscardini : Disney est passé par là.

Loïc Lechelle : Oui. A l’époque de mes 10-12 ans, quand je commençais la photo animalière, le Roi lion est l’un des dessins animés qui m’a le plus frappé, même s’il est sorti lorsque j’étais un peu plus jeune, je l’ai regardé et ça m’a imprégné finalement, c’était vraiment cette savane africaine qui est restée pour moi un rêve qui a été réalisé seulement à l’âge de mes 23-24 ans.

Régis Moscardini : Tu es resté plus de 10 ans avec ça en tête.

Loïc Lechelle : Voilà. Du coup quand j’ai mis un pied au Kenya, j’en ai mis deux, j’y suis resté puisque j’ai pu rencontrer un peu l’un de mes mentors en photo animalière, Tony Crocetta, qui m’a accueilli et qui m’a permis de faire pas mal de choses avec lui et notamment  le remplacer en tant que prof là-bas sur place, prof de photo, pour orchestrer ses stages photo de Melting Pot Safaris, son agence de safaris là-bas.

Régis Moscardini : Une toute petite parenthèse par rapport à Disney, c’est vrai que le Roi lion ça a été le dessin animé jusqu’à il y a pas très longtemps jusqu’à la sortie de la Reine des neiges, alors peut-être que la Reine des neiges va aussi créer des vocations pas en Afrique mais peut-être dans le Grand Nord, qui sait, peut-être qu’il y aura un Loïc Lechelle dans 10 ans qui aura vu la Reine des neiges et qui voudra faire dans le Grand Nord comme toi tu as pu le faire en Afrique.

Le Roi lion c’est vraiment le dessin animé qui a eu le plus de succès chez Disney, qui a relancé l’activité chez Disney avec cette idée de dessin animé.

Loïc Lechelle : Tout à fait.

Régis Moscardini : Ça t’a marqué, toi, mais ça a marqué aussi une génération comme je pense la Reine des neiges actuellement peut marquer une nouvelle génération de gamins et de gamines.

Loïc Lechelle : C’est fort probable. D’ailleurs je rebondis là-dessus, Frère des ours est un super film pour le Nord Canada qui parle vraiment de tout ce qui se passe là-haut au niveau de l’Alaska et des grizzlis, c’est un film qui est vraiment authentique et qui a plein de choses à transmettre.

Régis Moscardini : Comme quoi la photographie animalière mène vraiment à tout, on parle même de Disney. J’imagine que quand Disney fait ses dessins animés, ils doivent se faire conseiller par des conseillers, des experts des pays dans lesquels ils veulent faire voyager les spectateurs. Certainement que les dessins faits des paysages et tout ça sont respectueux d’un environnement qu’ils veulent recréer.

Loïc Lechelle : Tout à fait. L’équipe de Disney, les dessinateurs sont restés entre 2 et 3 ans, je crois, au Kenya-Tanzanie.

Régis Moscardini : Pour s’imprégner ?

Loïc Lechelle : Pour s’imprégner, pour dessiner, pour créer les interactions et le scénario en a découlé.  C’était un gros investissement de la part de Disney à l’époque de passer autant de temps sans pour autant de faire de photos et de vidéos, c’était juste des dessinateurs.

Régis Moscardini : C’est sûr que c’est un sujet assez passionnant. On ferme la parenthèse Disney. Ce sont les félins qui t’attirent le plus, moi aussi, je pense pas mal de monde quand même. Juste avant d’aller plus loin dans la question de la photo de ces félins et surtout des safaris photo, pourquoi tu les aimes tant, qu’est-ce qui t’attire chez eux ?

Loïc Lechelle : Je n’en ai pas la moindre idée. Cette attirance, peut-être le Roi lion en est la source, mais les félins en règle générale sont une famille qui est très intelligente finalement. J’ai un chien loup moi personnellement

Régis Moscardini : C’est Denver.

Loïc Lechelle : C’est Denver qui est avec moi tout le temps.

Régis Moscardini : Quel âge il a maintenant ce chien ?

Loïc Lechelle : Il a eu 8 ans et son père est un loup, un loup commun du Québec. Mais dans la famille des félins, c’est cet aspect autonome peut-être, un peu comme on souhaite l’être en pleine nature. Généralement les espèces canines sont plus gérées par un leader.

Alors que du côté félin, il y a des groupes, évidemment il y a souvent des groupes, notamment chez les lions mais il y a énormément d’espèces, de spécimens qui sont autonomes et solitaires. C’est peut-être ce côté-là qui me fascine, dans l’aspect chasse, dans l’aspect savoir se débrouiller, se retrouver aux périodes des amours, et tout ça en restant solitaire complètement pendant toute l’année. C’est fascinant.

Régis Moscardini : Moi j’aime beaucoup aussi les félins. Si on me posait la question pourquoi j’aime ça, je serais un petit peu embêté comme toi. Moi, ce que je sais, c’est que je suis capable de regarder vraiment très longtemps ne serait-ce que mon chat par exemple, c’est évidemment un félin aussi, j’adore le regarder, pas parce que c’est mon chat mais parce que je trouve qu’en règle générale les félins sont beaux à regarder, ils ont une attitude qui est très particulière que n’ont pas les canidés, je trouve, ça devient peut-être du museau, de la gueule, de la pose un petit peu altière parfois. Je trouve qu’ils ont une attitude qui est vraiment très particulière, qu’on ne trouve pas ailleurs. C’est peut-être pour ça que moi aussi je les aime.

Loïc Lechelle : C’est assez complexe comme question, j’avoue que je ne m’attendais pas à ça.

Régis Moscardini : Ce sera la seule question un petit peu embêtante, je te rassure. Je ne pensais pas qu’elle l’était. Je reviens au sujet qui intéresse les auditeurs, je pense, photographier les animaux en général et les félins en particulier lors d’un safari photo en Afrique, parce qu’on a compris que tu étais vraiment un spécialiste du sujet. Je vais me mettre dans la peau d’un photographe animalier amateur qui souhaiterait partir dans l’année ou dans les 2 ans qui viennent par exemple faire un safari.

Par quoi je dois commencer concrètement ? J’ai ce projet en tête, même sans parler de matériel. Très terre à terre. Ça commence à germer dans ma tête, j’aimerais bien pouvoir le faire. Qu’est-ce que je dois commencer à faire maintenant ?

Loïc Lechelle : La principale question que je pose aux personnes qui viennent vers moi pour faire de la photo animalière en Afrique, déjà il y a un budget à prévoir, c’est sûr. Le Kenya ou la Tanzanie ou le Botswana sont autant de parcs qui sont gérés avec des droits d’accès aux parcs qui sont parfois très coûteux. Donc il y a une enveloppe à prévoir.

Régis Moscardini : Qui peut être sur 10 jours ou une semaine ?

Loïc Lechelle : Généralement c’est 80 euros en moyenne par jour et par personne dans la plupart des parcs africains.

Régis Moscardini : D’accord.

Loïc Lechelle : C’est une moyenne mais si on veut voir du félin ce ne sera pas plus bas. Après il faut avoir le choix du véhicule. Je ne vais pas prêcher pour ma paroisse mais c’est vrai qu’il y a des safaris qui se font pour pas trop cher en minibus où on est entassé, qui ne sont absolument pas prévus pour les photographes.

Parfois on peut être à quatre sur la même ligne derrière de sièges, du coup ceux qui sont au milieu ne peuvent plus vraiment accéder aux fenêtres. Après il y a toujours possibilité de faire des photos à partir de la toiture qui est ouverte mais la photo en plongée ne met jamais en valeur l’animal.

Régis Moscardini : Bien sûr. Ce n’est pas des conditions optimales.

Loïc Lechelle : Après c’est l’endroit qu’il faut choisir. L’avantage du Masai Mara, c’est que les animaux sont accessibles, ça fait 60 ans qu’il y a des voitures de safaristes qui se baladent dans le parc  et le 4×4 fait partie du décor. On n’a vraiment aucun moyen de les déranger en se baladant en 4×4 à 3 mètres du lion.

Régis Moscardini : Pour lui c’est normal, en gros il est né avec.

Loïc Lechelle : Il est né avec, donc ça ne le dérange pas, le bruit du moteur ne le dérange pas. Quand on arrête le moteur, il peut éventuellement lever un œil mais il va nous ignorer complètement. On a comme exemple le rapace au bord de l’autoroute. Si vous essayez de l’attraper

Régis Moscardini : Le fait de passer, il ne va pas bouger. Si on ralentit un peu, si on change un peu le comportement du véhicule normalement, il va bouger.

Loïc Lechelle : C’est ça, c’est exactement la même chose. Ils se sont habitués à voir des 4×4 qui s’arrêtent devant eux, qui parlent autour. Il n’y a pas de notion, il faut se taire, etc. Non. Ça ne leur fait rien du tout.

Régis Moscardini : Evidemment ils sont sauvages ?

Loïc Lechelle : Oui, 100% sauvages. Il y a éventuellement 2-3 interventions vétérinaires sur certains mâles, même certaines femelles, qui peuvent être déployées par le KWS par exemple, qui est l’organisme qui s’occupent de tous les animaux, toutes les espèces sauvages du Kenya, le Kenya Wildlife Service.

Mais à part ce genre d’interventions qui est nécessaire si on veut préserver les espèces qui sont en voie de disparition, il n’y a aucune interaction avec l’homme. On ne peut pas sortir du véhicule. Si vous sortez, vous êtes une proie.

Régis Moscardini : Ah oui !

Loïc Lechelle : Si vous êtes dans le 4×4

Régis Moscardini : On est une proie, on est un objet qui fait du bruit.

Loïc Lechelle : Vous êtes les 4×4. Alors qu’en tant qu’individu, on est une proie.

Régis Moscardini : Là, c’est plus dangereux.

Loïc Lechelle : Il n’y a pas l’intérêt de sortir. Absolument pas.

Régis Moscardini : Bien sûr.

Loïc Lechelle : Autant un lion est capable de détecter un Masaï à plus de 3 kilomètres, sans problème. Il va le voir, il va généralement se cacher, fuir ou craindre. Mais le touriste dans son 4×4 à 3 mètres du lion ne va pas faire lever un seul sourcil du lion. Il n’a aucune réaction.

Régis Moscardini : D’accord.

Loïc Lechelle : On a vraiment cette nuance entre le guerrier masaï qui est potentiellement un danger pour le lion si le guerrier doit défendre son village, il n’hésitera pas à tuer le lion. En tant qu’humain blanc, on est une proie. C’est clair et il ne faut pas du tout jouer avec ça.

Régis Moscardini : Bien sûr. J’ai cette idée en tête. Je sais que ça me coûte 80 euros par jour, tu l’as dit, dans les grands parcs. Le parc du Masai Mara est un parc à privilégier par exemple. Ma question c’est : est-ce que je peux organiser tout moi-même c’est-à-dire que je pense que ça pourrait me coûter moins cher, j’aime bien faire les choses moi-même, est-ce que je peux le faire, partir là-bas tout seul ou tu me le déconseilles et si tu me le déconseilles, vers qui je dois aller ?

Loïc Lechelle : Le Masai Mara, je reviens vers ce parc-là en particulier par rapport à la proximité des espèces. Si on veut y mettre un paysage derrière, ce qui est quand même vachement plus beau, il vaudra mieux s’orienter vers la Namibie ou le Botswana où il y a vraiment des paysages sublimes, splendides mais où les espèces sont beaucoup moins faciles à spotter.

Régis Moscardini : Par contre si on veut faire plus de portraits, des plans un peu plus serrés, là il vaut mieux se tourner vers le Masai Mara, pour les félins ?

Loïc Lechelle : Bien sûr. Ensuite si la personne est seule, l’avantage de se mettre dans un stage photo comme ce que je peux organiser ou d’autres photographes peuvent organiser, l’avantage c’est de pouvoir bénéficier du tarif de groupe en étant seul. Alors si on veut l’organiser tout seul, généralement il va falloir se greffer à un groupe existant, ce qui n’est pas évident pour les agences qui organisent ce genre de séjours puisque généralement si elles ont un couple de deux personnes qui réservent un véhicule, elles ne vont pas imposer une troisième personne lambda à ce véhicule.

Melting Pot Safaris ou une autre agence, n’importe quel réceptif local ne fera jamais ce compromis, sauf si en face le couple le dit explicitement en disant, ok on prend un 4×4 pour nous deux mais s’il y a une demande pour une ou deux personnes de plus, à ce moment-là on est ouvert à ça. Effectivement ça peut revenir à moins cher si vous trouvez quatre personnes puisqu’en général à quatre personnes on a rempli le 4×4. Donc quatre personnes, quatre amis qui voudraient partir, là on est sur un tarif optimum. Par contre en tant que personne seule, il vaut mieux se greffer à un stage photo, même si on est expert en photographie.

Ça m’est arrivé de coacher des photographes qui ont autant d’expérience que moi voire plus, mais l’expérience du Masai Mara ils ne l’avaient pas et les échanges ont été juste géniaux. Tout photographe qui échange avec d’autres photographes permet de se surpasser à un moment donné, d’avoir une critique constructive dans les deux sens.

Régis Moscardini : On apprend tout le temps.

Loïc Lechelle : On apprend en permanence. Il n’y a pas de relation de supériorité dans ce genre de stages. Il arrive un moment où effectivement je vais donner des astuces et on va me poser une problématique d’amateur qui va me faire remettre en question mon astuce de pro. Du coup on a retourné la balance de l’apprentissage.

Régis Moscardini : D’accord.

Loïc Lechelle : Je pense qu’un bon prof c’est quelqu’un qui se remet en question à chaque cours.

Régis Moscardini : Moi je n’ai jamais entendu que du bien de Melting Pot Safaris. Vous avez vraiment très bonne presse. Qu’est-ce qui fait que j’aurais intérêt à faire un safari photo avec vous ? C’est la connaissance du terrain ? On sent bien toi, Loïc, que tu es un pédagogue dans l’âme, que tu expliques bien les choses. Mais qu’est-ce qui fait que je vais aussi passer un bon moment avec vous ?

Loïc Lechelle : Au-delà de ça, il y a trois choses qui font la réussite d’un safari : c’est le guide, le 4×4 et éventuellement le groupe autour et l’accompagnateur s’il y en a un. Mais le guide fera 100% du safari.

Régis Moscardini : Toi, tu n’es pas guide ?

Loïc Lechelle : Moi, on va dire que je suis guide naturaliste photographique et il y a un chauffeur guide. Ce chauffeur guide c’est un Masaï généralement ou un local qui ne fait que ça, qui se balade dans la nature tout le temps. Et ils ont des regards et une facilité d’analyse du terrain que même avec 10 ou 15 ans d’expérience on n’y arriverait pas.

Régis Moscardini : Lui, il va voir des choses, sentir la chose, sentir que là il y a un potentiel d’observation et il va vous y emmener, c’est ça qui fait la différence ?

Loïc Lechelle : C’est ça. C’est hallucinant leur capacité à analyser les contrastes à des kilomètres. Je me souviens de mon premier safari, il a fait un tour de jumelles autour du 4×4 et il nous a proposé deux choix, l’un des deux choix était : il y a deux jeunes lions en train de jouer à midi.

Midi, en direction du véhicule c’est tout droit. Du coup on regarde, on fait un tour de jumelles, on a regardé, on n’a jamais trouvé, jamais trouvé ce qu’il regardait. On a dit, allez, on y va. Au bout de 10 minutes de 4×4, 10 minutes ça fait quand même quelques kilomètres, on a commencé à pouvoir les apercevoir à la jumelle.

Régis Moscardini : Alors que lui il l’avait du point de départ ?

Loïc Lechelle : Oui, 10 minutes plus tôt.

Régis Moscardini : Ce n’est pas les mêmes jumelles, c’est pour ça ?

Loïc Lechelle : Avec les mêmes jumelles.

Régis Moscardini : C’est incroyable !

Loïc Lechelle : Donc les contrastes qu’il arrive à analyser à des kilomètres. Au-delà de ça, une expérience de comportement, une expérience de terrain qui est inégalable. Aujourd’hui pour résider au Masai Mara pour un blanc, ça coûte 80 euros par jour. Si on commence à avoir la résidence kenyane, on peut tomber à 10 euros ou 5 euros par jour. Les chauffeurs, eux, sont à 1 euro par jour et c’est payé par leur compagnie.

Régis Moscardini : Donc ils peuvent vivre là-bas en permanence.

Loïc Lechelle : Eux, ils sont dans tous les cas H24, on va dire 10 mois dans l’année. 10 mois dans l’année en 20 ans, c’est suffisant pour connaitre complètement le terrain. La différence entre les guides Melting Pot et les guides qui bossent ailleurs est leur patience envers les photographes puisqu’un photographe versus un safariste classique aura des exigences particulières, un placement du véhicule par rapport à la lumière, à l’attitude, à l’arrière-plan.

Régis Moscardini : Tu veux dire que le guide conducteur du 4×4 va d’emblée presque anticiper la demande et la contrainte imposée par le photographe, venir se mettre de telle façon par rapport au soleil par exemple pour faire des points de vue qui sont plutôt sympathiques.

Loïc Lechelle : Tout à fait. C’est vraiment la formation du guide chez Melting Pot qui est tournée vers ça et c’est en ça que le safari sera réussi puisque si vous allez dans un 4×4 classique, un 4×4 ou un minibus pas cher, vous aurez en arrière-plan très régulièrement pas forcément ce qu’il faut ou justement il va vous emmener sur un spot où la lumière n’est pas exploitable entre 10h et midi, alors qu’entre 10h et midi il y avait plein de choses à faire à l’opposé du parc dans la forêt ou dans d’autres endroits.

Régis Moscardini : Ça, c’est vraiment ce qui fait la différence. C’est vrai que c’est important de savoir ça. Je ne pensais pas que c’était aussi important, le guide conducteur du 4×4.

Loïc Lechelle : Dernière chose quand même : le Masai Mara étant le parc potentiellement le plus visité dans les parcs animaliers africains, il faut éviter au maximum le mois d’août voire même le mois de juillet, par rapport à la migration.

Régis Moscardini : C’est l’époque des grandes vacances occidentales et que là les blancs occidentaux vont beaucoup dans ce parc-là ?

Loïc Lechelle : Oui. C’est juste abominable en termes de foule. Du coup on trouve tous les minibus, tous les 4×4. C’est l’affluence maximale avec potentiellement des crossing de gnous dans les grandes migrations, c’est quelque chose qui est connu et qui passe dans la tête des gens comme le cliché du Masai Mara. La migration des gnous par millions qui traversent la rivière.

Mais on trouve des crossings, des traversées de rivière fin septembre, en octobre également. D’ailleurs on s’aperçoit, probablement avec le réchauffement climatique, d’un décalage. Avant les migrations arrivaient à peu près vers le 20 juin, 25 juin, début juillet. Ces dernières années, ils sont arrivés quasiment 2-3 semaines plus tard. Donc pour assurer de voir une quantité phénoménale de gnous et donc une activité au niveau des chasses de lions et des chasses de crocodiles, cette activité elle est assurée et au calme plutôt en septembre-octobre. Parce qu’on a moins de monde et plus de chances d’apercevoir les migrations.

Régis Moscardini : Si j’enlève juillet et août, tout le reste de l’année est intéressant par rapport à la météo là-bas, par rapport à l’activité animalière ? Ou il y a quand même des moments plus intéressants que d’autres ?

Loïc Lechelle : Il y a deux saisons des pluies qui durent à peu près un mois, on parlera de novembre et également du mois d’avril-mai, à peu près mi-avril jusque fin mai. Ces deux périodes sont à proscrire dans la planification du safari, quoique le Masai Mara sous la pluie c’est quand même splendide. Moi, j’adore cette période et il n’y a personne pour le coup. Par contre le 4×4 est obligatoire, parce que là le minibus, il ne faut pas espérer pouvoir faire du low-cost.

Régis Moscardini : Les animaux sont toujours actifs qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il fasse du soleil, ils sont toujours là, donc il y a quand même des choses à faire aussi ?

Loïc Lechelle : Oui, il n’y a pas de migration de lions. Ils ont besoin de manger, ils ont besoin de s’activer. Ce qui est génial, c’est d’avoir ces contrastes. Il faut savoir que toute l’année il y a des contrastes absolument fabuleux au Masai Mara puisque c’est une région qui bénéficie d’un orage quasiment quotidien.

Régis Moscardini : D’accord.

Loïc Lechelle : Tous les soirs on a un orage qui est dû à l’accumulation de chaleur et de l’eau qui est probablement due à l’accumulation de l’évaporation du lac Victoria qui n’est pas si loin à vol d’oiseau. Du coup on a en permanence des tombées de pluie à cet endroit-là. Ce qui est plutôt génial puisque du coup c’est pour ça que c’est l’endroit le plus vert de la région. Qui dit verdure dit herbivores, qui dit herbivores dit carnivores.

Régis Moscardini : Evidemment. Toute une chaine alimentaire qui se met en route grâce à ces pluies.

Loïc Lechelle : La boucle est bouclée. Tout ça grâce à l’endroit du Masai Mara dans cette Afrique. Je dis Masai Mara, mais la Tanzanie et le Serengeti pour moi, c’est la même chose, c’est dans le prolongement. On pourra déterminer le Serengeti le Masai Mara sur une carte, il suffit de regarder, il y a juste un trait tiré à la règle qui a fait une séparation entre les deux régions.

Le Serengeti et le Masai Mara, c’est exactement la même chose, le même climat, les mêmes espèces. L’avantage on va dire du Masai Mara dans la partie qu’on exploite avec Melting Pot Safaris, c’est cette partie un peu sauvage qui ne s’exploite qu’avec le 4×4 et quand même la possibilité de se balader un peu hors sentiers battus. Je ne vais pas dire que le hors-piste est légal mais on n’en fait quand même un peu plus dans cette partie nord du Masai Mara qui est vraiment mal entretenue par le parc, par les rangers qui entretiennent plus la partie sud, sud-est du Masai Mara qui est plus accessible aux minibus . Du coup la partie nord est un peu plus délestée en termes d’entretien.

Régis Moscardini : D’accord. Ça c’est intéressant à savoir. Combien de temps à l’avance je dois m’y prendre ? Là on est mi juin 2015. Est-ce que si je veux partir en septembre-octobre, c’est encore possible par rapport à vos places ?

Loïc Lechelle : C’est encore possible. Là par exemple il me reste deux places dans mon safari de début octobre. Par contre tous les créneaux un peu libres, par exemple si tu voulais organiser un safari avec trois de tes copains pour faire un véhicule complet, tous les créneaux sont pris quasiment un an à l’avance. Sauf dans les périodes de pluie, c’est justement les vacances pour les guides et les vacances pour les réceptifs locaux.

Donc il y a très peu de lodges qui ouvrent leurs portes pendant les saisons des pluies. Donc c’est plutôt intéressant de planifier longtemps à l’avance, entre 6 et 8 mois minimum.

Régis Moscardini : Pour être certains d’avoir une place. Si je suis tout seul, c’est peut-être plus facile de trouver une place et de m’intégrer dans un groupe déjà constitué. Mais si je suis en groupe, il vaut mieux s’y prendre presqu’un an à l’avance.

Loïc Lechelle : Voilà. Dans mon groupe, ça m’arrive d’avoir des désistements de dernière minute, etc. Si on a envie d’y aller, il faut tenter le coup et il faut dire qu’on est prêt à y aller jusqu’à 3 semaines à l’avance s’il y a un désistement.

Il ne faut surtout pas baisser les bras face à un créneau soi-disant complet puisqu’il a parfois des annulations, parfois des contretemps et notamment dans des groupes qui sont comme mes groupes constitués que de personnes qui sont seules. Moi je prends huit personnes maximum réparties sur deux 4×4 et j’alterne un 4×4 sur deux chaque jour, chaque demi-journée.

Régis Moscardini : En termes de matériel, quelle focale je dois privilégier, grande focale, grand angle pourquoi pas ? Tu as dit que le Masai Mara pour les paysages ce n’était peut-être pas le mieux, mais qu’est-ce que je dois privilégier là-bas ?

Loïc Lechelle : Dans tous les cas, il faut une optique entre 300 et 500 mm. Donc quelqu’un qui se lancerait dans la photo animalière, je lui conseillerais une location ou un achat d’un 120-400 ou d’un 150-600, d’un 50-500, toutes ces gammes de Sigma ou Tamron qui permettent d’avoir une longue focale avec un autofocus, qui permet déjà de faire de belles photos. J’ai beaucoup de stagiaires qui ont pu faire des sublimes photos avec ce genre de matériel.

Régis Moscardini : Il ne faut pas se dire, j’ai très envie mais si j’y vais avec mon petit 70-300, je vais un peu avoir la honte et tout ça. C’est vrai que c’est peut-être un peu juste pour le 300 mais dans ces cas-là, il ne faut pas hésiter, tu l’as dit, à louer. J’ai fait un article sur Objectif Location qui propose des services vraiment intéressants. Tu peux louer un objectif sur les 10 jours par exemple pour se faire plaisir et vraiment participer le mieux possible au safari.

Loïc Lechelle : Tout à fait. Il s’avère vraiment qu’une location d’un 500 mm f4 peut se trouver aux alentours de 700-800 euros pour la location de 10-12 jours.

Régis Moscardini : Evidemment c’est un budget qui se rajoute au budget mais ça peut se prévoir également si on s’y prépare pas mal de temps à l’avance, on peut prévoir ça dans le budget.

Loïc Lechelle : Tout à fait. Objectif Location n’en a pas en stock, par contre Objectif Bastille en a et en loue fréquemment.

Régis Moscardini : D’accord.

Loïc Lechelle : Il y en a d’autres aussi. Pour moi, l’investissement d’un 500 mm doit être justifié par une activité qui est au-delà d’une vingtaine de journées par an. Et celui qui fait un safari par an n’a aucun intérêt à acheter. C’est tellement facile de louer, d’avoir la garantie du matériel, d’un matériel entretenu. C’est quand même 1/10 de son prix. Après ça dépend, si on a l’intention de faire dix safaris et qu’on a la trésorerie pour pouvoir se l’acheter, tant mieux.

Mais dans 10 ans, il y aura probablement d’autres objectifs. Par exemple le 200-400 qu’on aura envie de louer une année, puis un 500 une autre année, et un 300 2.8 une autre année. L’avantage de la location, c’est de pouvoir s’adapter à son sujet. Si on doit aller faire les ours polaires, un 800 mm est recommandé. Si on veut aller au Masai Mara, un 300 mm peut suffire. Mais le 70-300 manque un peu de piqué à mon sens.

Régis Moscardini : C’est possible. Ce n’est pas tant la focale qui va être juste, c’est la qualité optique de l’objectif qui va être un petit peu limitée.

Loïc Lechelle : Quand on se paie un safari qui nous coûte 3000 euros

Régis Moscardini : Il ne faut pas faire l’impasse sur la qualité optique de l’objectif.

Loïc Lechelle : Pour moi, c’est intéressant d’essayer de louer une bonne optique ou d’acheter une optique intermédiaire. Un 100-400 par exemple de chez Canon ou les Sigma qui sont vraiment convenables, les 120-400 ou les 150-600, les dernières générations, qui ont le mérite d’avoir un piqué très convenable pour moins de 2000 euros.

Régis Moscardini : J’imagine que c’est un environnement qui est assez poussiéreux. Est-ce qu’il y a des précautions à prendre pour le reflex et aussi les objectifs, pour ne pas trop l’abimer au changement d’objectif par exemple ? Qu’est-ce que tu conseilles par rapport à ça ?

Loïc Lechelle : Quand on part sur ce genre de séjour je conseille deux boitiers, un boitier qui est une sauvegarde au cas où le premier lâcherait et sur lequel on met dans ce boitier de secours une optique grand angle pour faire des photos paysagères. Et du coup avoir une focale qui fait l’ensemble de nos photos sur l’autre boitier, ce boitier principal qui aurait une tendance quand même à rafaler

Régis Moscardini : Sur les grandes focales.

Loïc Lechelle : Voilà. Des petites rafales, un 7D par exemple, même un D3S d’occasion pour les Nikonistes, même D2S. Les vieux boitiers sport sont vraiment des bijoux. On trouve des boitiers qui sont à 1000 euros, qui ont 5-6 ans et qui ont des rafales de dix images par seconde. Ça c’est l’idéal pour moi pour faire de la photo animalière quand on débute la photo animalière.

Moi, il s’avère que je ne fais plus de rafales puisque maintenant je sais ce que je veux, je n’ai plus l’intention de faire la scène d’exception de l’animal en train de courir, je sais ce que je veux, je vais faire beaucoup plus de vidéos que de photos en réalité. Pour moi, c’est un détail cette rafale. Par contre

Régis Moscardini : Les gens qui ont envie d’optimiser leur voyage, qui n’ont pas envie de rater la photo, c’est vrai que la rafale ça peut être intéressant.

Loïc Lechelle : La rafale est intéressante effectivement pour avoir l’attitude, le geste, l’instant le plus exaltant de la série, la rafale est quand même bien appréciée.

Régis Moscardini : Je voulais justement te demander, tu en as parlé par rapport à la rafale, ça peut être une astuce, est-ce qu’il y a d’autres astuces pour essayer de faire des photos qui sortent un petit peu du lot ? Si on est quatre, même peut-être plus si on ne prend pas l’option Melting Pot Safaris mais les minibus, on sera plus nombreux, est-ce qu’il y a des astuces pour ne pas avoir des photos qui ressemblent trop aux photos de safari de groupe très classiques, très bateaux ?

Qu’est-ce que tu conseillerais rapidement à tes stagiaires pour faire des photos qui sortent un peu de l’ordinaire, qui ne soient pas comme celles de monsieur tout-le-monde qui fait du safari ?

Loïc Lechelle : En général je dis aux gens d’arrêter de faire des photos pour faire d’autres photos. Le principe même d’être baigné au cœur de cette immensité d’espèces sauvages dont on rêve tous de photographier, le problème c’est qu’on en oublie de regarder, d’observer. Donc mon premier conseil, c’est de se servir des jumelles et de ses propres yeux pour observer et de s’imbiber de l’ambiance.

Régis Moscardini : Ça me fait penser, toute proportion gardée évidemment, ça me fait un petit peu penser à quelqu’un qui serait à un concert et qui va passer son concert à filmer le concert avec son téléphone portable par exemple. C’est-à-dire que c’est avoir un souvenir pour un souvenir mais finalement il n’a pas profité de l’ambiance, de la scène et des choses comme ça. C’est un peu pareil pour le safari. Il faut un petit peu oublier l’appareil pour s’imprégner de l’ambiance et de l’atmosphère.

Loïc Lechelle : C’est exactement ce qui s’est passé, j’ai un stagiaire qui avait fait une série photo, il avait dû en faire 1000 en 1h30, ce n’était que les mêmes photos, que les mêmes photos. On a regardé les photos des autres, on échange beaucoup, on fait de la critique image entre deux safaris le midi et le soir, mais il n’avait pas vu qu’il y avait telle espèce à 100 mètres à gauche de l’espèce qu’il avait photographiée, je ne sais plus quelle espèce, ça devait être des gnous et il y avait un léopard.

On a tous dit qu’il y avait un léopard mais il était tellement obnubilé par sa photo qu’il voulait faire, qu’il avait imaginée, je pense que c’était du filet de gnous, il a passé son heure dans son œilleton à faire abstraction complète de tout ce qui se passait autour. C’est là qu’on rate des choses. Il aurait juste arrêté 5 minutes pour faire une pause, boire un coup, discuter ou pas avec nous, peu importe, il n’y a pas forcément besoin d’échanger pour voir ce qui se passe, juste ouvrir ses yeux.

J’ai l’impression que c’est tellement du gâteau de faire du safari photo au Kenya et de photographier tout ce que l’on veut en peu de temps, c’est du gâteau, mais on en oublie la chose essentielle, c’est s’imprégner, comme ce qu’on fait quand on est en affût à faire le brame du cerf ou à faire une approche classique qui est complexe, on va dire, vraiment c’est complexe. Un cerf en France, c’est dix fois plus complexe qu’un lion au Kenya, cent fois plus complexe. Du coup on a envie de faire des photos, je le comprends, j’essaie de laisser faire les 2 ou 3 premiers jours et après je leur dis, arrêtez de faire des photos.

Ça reste un refrain que je dis sans cesse pour que les gens observent ce qui se passe autour, ressentir l’ambiance savane, on voit les lions se délecter face au prochain repas ou le stress que peuvent avoir les proies. Tout ça, ça se ressent. Pour ça il faut ouvrir les yeux.

Régis Moscardini : Je pense, ça je peux comprendre comme sentiment, je pense que les gens ont peur de ne pas revivre la scène.  C’est-à-dire qu’ils se disent, là ce que je vis c’est formidable, c’est ce que je voulais depuis des années, je le vis maintenant, il ne faut pas que je la loupe donc j’y vais. Finalement la scène elle sera revécue, peut-être pas pile la même mais sous une autre forme avec d’autres espèces.

C’est vrai que ce n’est pas facile de faire abstraction de ça et d’oublier le fait qu’on reverra la scène, peut-être pas de la même façon mais ce n’est pas très grave. Ce n’est pas facile.

Loïc Lechelle : J’en suis conscient. C’est pour ça que les 2-3 premiers jours ça devient un petit jeu de savoir qui fera la meilleure photo du jour, qui sera élue par l’ensemble des safaristes. On compare au ratio du nombre de photos. Généralement on s’aperçoit vraiment que ceux qui ont fait les plus belles photos, c’est ceux qui ont fait le moins de photos. C’est super intéressant de faire ce comparatif qui est observer avant de photographier. Une ambiance, une composition, ça se pense, ça ne s’improvise pas.

Si on improvise, c’est qu’on a déjà pensé à ce qu’on pourrait où placer l’animal dans son environnement. C’est là qu’une photo est jolie. Je pense que toutes les photos de portraits d’expressions ont déjà été faites. Donc une fois qu’on l’a faite il faut essayer de composer avec la suite, c’est-à-dire l’interaction, la composition avec la lumière, la feuille, l’arbre, l’environnement tout simplement.

Régis Moscardini : Bien sûr.

Loïc Lechelle : C’est cette recherche qui est intéressante. J’essaie en stage ou même pour moi-même, à chaque fois d’essayer de pousser le photographe à aller plus loin dans sa démarche et de savoir ce qu’il veut au final. Est-ce que c’est ramener un souvenir ? Si oui, fais 20.000 souvenirs en 10 jours, qu’il ne regardera jamais.

Régis Moscardini : Mais est-ce qu’il aura vraiment profité de son séjour, ce n’est pas dit.

Loïc Lechelle : Ce n’est pas dit du tout. Je suis à l’écoute de ce que les gens attendent et j’essaie de les pousser dans cette direction de profiter pleinement de cet environnement qui est magique. Profiter ce n’est pas au travers de l’œilleton, ce n’est pas au travers de l’ordinateur, c’est à part entière avec ses yeux et de temps à autre savoir déclencher au bon moment. Du coup, il y a toute la phase exercice aussi qu’on s’amuse à faire bien sûr.

Mais au-delà des exercices, quand il y a un moment où il faut faire pause, où la lumière elle est trop dure, à ce moment-là on arrête, on observe, on est capable de profiter de 2 heures de safari sans l’appareil photo  entre 11h et 13h. Parce que les photos ne seront pas exploitables, les attitudes sont beaucoup moins belles que le matin à la fraiche, les animaux sont affalés. Donc il n’y a plus cet intérêt. Par contre il y a une ambiance et cette ambiance on ne peut pas la capter en photo mais on peut la ressentir. On peut arriver au repas et être pleinement satisfait des dernières heures

Régis Moscardini : Même s’il n’y a pas de photos à la clé. Ça me fait un peu penser à ce que me disait Fabien Gréban par rapport à ces stagiaires. Il me disait qu’il y a deux types de stagiaires : il y a ceux qui veulent apprendre la photographie c’est-à-dire être réceptif aux conseils, qu’est-ce que je peux faire pour flouter par exemple, qu’est-ce que je peux faire pour faire un filet, donc vraiment l’apprentissage de la photographie et puis il y a ceux qui viennent pour ramener des photographies et qui n’écoutent pas beaucoup les conseils, qui n’en veulent peut-être même pas d’ailleurs, qui ne font que passer leur temps à photographier parce qu’ils veulent photographier le chat sauvage parce que Fabien les aura emmenés sur un site de chats sauvages par exemple. Il y a deux types de stagiaires. C’est sûr qu’il faut s’adapter aussi à ce type de personnes.

Loïc Lechelle : Oui, tout à fait. C’est ce que j’essaie de reporter sur d’autres safaris. La Namibie que j’organise l’année prochaine au mois d’avril, qui sera en 4×4 également, qui sera justement plus dans la composition puisque les espèces sont beaucoup moins nombreuses, beaucoup plus difficiles à trouver, à spotter. Par contre les paysages sont sublimes. Là on va vraiment essayer de travailler la composition.

Le troisième stage que je propose c’est la rivière Horton, la rivière qu’on a filmé pour le web documentaire Les rivières oubliées, j’organise également ce séjour sur la rivière en canoë en autonomie complète pendant 24 jours à la recherche des grizzlis, des loups, des couguars, des caribous et j’en passe.

Régis Moscardini : Là, c’est la photo aventure.

Loïc Lechelle : C’est vrai.

Régis Moscardini : Très sincèrement tu m’as bien convaincu pour pouvoir faire ce genre de voyage safari photo. Qu’est-ce que je dois faire maintenant ? J e vais sur le site de Melting Pot Safari, je vous appelle, je vous envoie un mail ? Comment ça se passe concrètement ?

Loïc Lechelle : Tous les séjours sont sur Let’s Go Travel, l’agence de voyages française qui revend le safari kenyan pour Melting Pot Safaris. Melting Pot Safaris est une agence locale qui vous accueille, donc il suffit de les appeler, d’envoyer un mail effectivement et ils vous trouveront des places ou ils vous dévoileront des créneaux qui sont disponibles. En stage photo chez Melting Pot, il y a Matthieu Pujol aussi qui organise des safaris là-bas, deux à trois par an.

Moi, j’en suis à une à deux fois par an pour Melting Pot. Il y a pas mal de stages disponibles pour ceux qui veulent faire du stage photo. Mais encore une fois un stage photo n’est pas forcément dans le but d’apprendre en tant que tel, bien que dans tous les cas on va apprendre, on apprend toujours, mais c’est la solution quand on est seul. Pour moi, la solution la moins onéreuse quand on est seul, c’est de se greffer à un stage, même si on n’a pas l’envie de dire qu’on va en stage, ce n’est pas très grave.

Moi, je suis allé pour la première fois chez Melting Pot Safari en stage photo chez Tony Crocetta, c’était Tony qui l’organisait. Même si je pensais que je n’avais pas le besoin d’apprendre la photo animalière puisque je pratiquais depuis plus de 15 ans, j’ai appris le personnage, j’ai appris comment lui voyait la photo, comment il l’envisageait, pourquoi le lion allait faire ça à tel moment.

C’est ça qui est intéressant, c’est que le guide masaï, il peut nous dire des choses qui sont purement et simplement des explications éthologiques mais par contre Tony va expliquer ce que l’éthologie peut nous apporter dans la photographie et c’est ça qu’il m’a transmis à cette époque et que maintenant je transmets à mon tour, c’est que dans un stage photo même si on est professionnel, puisque j’étais déjà professionnel à l’époque, j’ai appris énormément avec lui. Je ne regrette absolument d’avoir fait un stage pour mon premier safari photo et non un safari entre copains.

Régis Moscardini : J’imagine que cet état d’esprit, ce concept de comprendre pourquoi tel ou tel animal va faire tel ou tel mouvement, ou avoir tel comportement, ça peut être largement transposable dans nos contrées à nous. C’est-à-dire que Tony Crocetta ou toi-même, vous allez expliquer le pourquoi d’un tel comportement chez un félin. Mais d’avoir cet état d’esprit, de comprendre ça, ça peut être largement transposable à nos espèces à nous dans nos pays tempérés. Ça peut être utile aussi pour le photographe animalier amateur qui fait sa sortie du samedi matin.

Loïc Lechelle : Oui, il n’y a pas vraiment de différence. Une fois qu’on est sur une même famille, les comportements sont grosso modo les mêmes. Un chat c’est un chat. Un tigre c’est un chat.

Régis Moscardini : C’est un gros chat.

Loïc Lechelle : Mais la méthode de chasse, etc., ça reste quand même assez régulier.

Régis Moscardini : Les proies sont juste plus petites ou plus grosses suivant l’espèce mais finalement les attitudes, les techniques

Loïc Lechelle : J’ai effectivement une photo d’une lionne en train de se tapir dans une petite rigole naturelle. La même photo du léopard qui est en train de se planquer derrière un buisson. Et la même sur un guépard dans les broussailles en train d’attendre. C’est exactement les mêmes attitudes.

Régis Moscardini : Je vais encore parler de mon chat. Sur mon terrain, je fais exprès de ne pas tondre 20 m² de pelouse, ça fait une espèce de mini-savane, si tu veux. Je vois souvent mon chat tapi là-dedans qui attend ce qui se passe, qui s’amuse. C’est les mêmes comportements. C’est vrai que ça peut être transposable.

Loïc Lechelle : Après, il y a toujours des petites variantes, des petites méthodes. Le lion chasse en groupe. Le guépard peut chasser en groupe. Le léopard absolument pas. On voit aussi certains comportements qui s’adaptent à l’environnement, qui s’adaptent à la famille puisque la lionne qui chasse en groupe, elle chasse en groupe parce qu’elle a l’habitude de chasser en groupe.

C’est ça qui est plutôt génial, c’est de voir un peu leur comportement ensemble, de voir une mère avec ses deux filles par exemple  en train de chasser et de voir la différence avec trois mères qui chassent ensemble dans une autre scène de chasse. On a des attitudes différentes qui sont des attitudes instinctives mais adaptées. Elles se connaissent, on sent qu’elles se connaissent, elles ont une méthode à trois parfois qui peut différer si c’est trois individus d’une famille ou trois individus d’une autre famille.

Régis Moscardini : Je reviens à ce que tu disais tout à l’heure, ce genre de comportement et d’attitude ne peuvent être observables et compréhensibles par un photographe que si justement il pose son appareil et qu’il regarde naturellement comme n’importe quel passionné de nature.

Loïc Lechelle : Oui. En plus de ça, les gros félins du Masi Mara sont connus. C’est-à-dire qu’ils ont tous des noms.

Régis Moscardini : Bien sûr.

Loïc Lechelle : Du coup, on sait que tel lion vient de copuler avec telle lionne, on sait qu’elle va partir dans tel secteur parce que l’année dernière elle a planqué ses petits pendant un mois à tel endroit. On sait le comportement de chaque femelle, de chaque mâle. C’est les feux de l’amour. Mais quelque part les feux de l’amour du Masai Mara, c’est vrai, on sait que chaque félin a son nom, que ce qui va se passer c’est plus ou moins planifié.

Parce qu’on sait que tel lion s’entend bien avec tel lion, là il est en train d’attaquer tel secteur, ça va déranger telle autre famille, il faut faire attention. On se rend compte qu’il y a des comportements de défense qui sont des réactions qu’on aurait pu prédire. C’est plutôt génial. C’est des espèces qui sont sauvages mais territoriales, étant donné ce territoire. Les guides qui sont, eux, toujours tous en contact, les guides de chaque compagnie de safari s’envoient des textos en disant, il y a un léopard dans tel secteur, on l’a vu ce matin. 

Donc on a l’avantage de la pleine saison, le seul avantage du mois de juillet ou du mois d’août, si on a envie d’aller voir un léopard, on sait qu’il a été observé le matin même à tel endroit, on peut y aller. Après ça ne garantit rien mais ça facilite finalement l’accès à l’espèce. Après, c’est sûr que c’est à prendre ou à laisser. Moi je suis partisan de rechercher moi-même les espèces. C’est pour ça que la rivière Horton, je l’organise l’année prochaine, c’est moi le guide et le seul guide de cette expédition.

Il y a un comportement à avoir face aux grizzlis. On n’est pas en protection d’un 4×4. On est nous-mêmes face à la nature. J’adore cette recherche de spécimens d’un animal qui n’a jamais connu l’homme probablement, qui n’a jamais vu l’homme.

Régis Moscardini : Ah oui !

Loïc Lechelle : C’est l’avantage de cette rivière-là. Cette rivière, elle a été choisie parce qu’elle est explorée par une vingtaine de personnes par an. C’est très peu pour une rivière canadienne. C’est la rivière la moins fréquentée du Canada. Du coup on s’aperçoit que s’il y a eu entre 200 et 400 personnes qui ont exploré cette rivière dans l’histoire de l’humanité, c’est le maximum. On s’aperçoit du comportement, les caribous sont quasiment venus manger dans ma main. C’est du jamais vu.

Régis Moscardini : En gros, c’est soit les animaux sont tellement habitués à voir des humains, en tout cas les véhicules dans lesquels il y a des humains que finalement c’est intégré dans l’environnement, on peut les approcher très proches, soit à l’inverse ces animaux n’ont jamais vu d’humains qu’ils peuvent avoir un comportement où ils peuvent aller assez proche là aussi. Mais finalement quand c’est un petit peu entre les deux

Loïc Lechelle : C’est le pire.

Régis Moscardini : C’est le pire des cas. Comme chez nous ici en France, on est là, on les embête depuis la nuit des temps, c’est le pire des cas.

Loïc Lechelle : Je suis revenu de cette rivière Horton l’année dernière au mois de septembre, je suis parti au brame du cerf. Un seul déclenchement en mode silencieux a fait fuir le cerf qui était à 15 mètres de moi. On était en zone frontalière avec une zone de chasse autorisée, on sent le stress de l’animal. C’est impossible d’avoir un comportement similaire avec ce que j’avais vécu 3 semaines avant au Canada.

Le caribou, j’étais en bleu et jaune, je n’étais pas en tenue de camouflage, j’étais en bleu et jaune, le caribou vient en se disant, c’est quoi ce personnage, il ne bouge pas, il n’avance pas, il n’est pas en mode chasse, donc il se rapproche. A un moment donné je fais une photo, il est encore plus curieux, il se rapproche, il s’éloigne, il se rapproche, il s’éloigne et après chacun retourne à ses pénates. C’est génial de pouvoir avoir ce ressenti-là.

Régis Moscardini : Si on reste en France, on peut rester en France, il y a aussi de très belles photos à faire dans notre pays.

Loïc Lechelle : Oui.

Régis Moscardini : Mais on ne connaitra jamais cet échange finalement, ce rapport entre l’homme et l’animal. Ici, chez nous ce n’est pas possible.

Loïc Lechelle : Malheureusement on est sur un territoire qui est bondé de chasseurs qui sont plus ou moins

Régis Moscardini : Respectueux.

Loïc Lechelle : Forcément les chasseurs, mais pas que les chasseurs, les bergers

Régis Moscardini : Finalement l’activité humaine en général, que ce soit un promeneur en famille qui fait du bruit, qui sent la clope, que ce soit un vététiste ou un motard, évidemment l’activité humaine est dérangeante pour la faune.

Loïc Lechelle : C’est sûr. C’est ça que j’essaie de chercher à transmettre finalement, c’est plutôt vers des expéditions lointaines et sportives que je suis attiré, je suis en train de terminer un diplôme de guide polaire qui me permet légalement d’emmener des gens en totale autonomie sur cette rivière, sachant que j’ai passé pas mal de diplômes dans ma vie pour l’encadrement sportif. Mais pour cette rivière-là, il faut un diplôme spécifique pour l’encadrement de cette activité en canoë dans ces régions-là.

Régis Moscardini : C’est quand exactement ?

Loïc Lechelle : C’est en août de l’année prochaine. A partir du 20 août l’année prochaine.

Régis Moscardini : Combien de places disponibles ?

Loïc Lechelle : Cinq places disponibles, non il n’y a plus que trois places disponibles parce que j’ai déjà deux inscrits. Là on est sur 24 jours de rivière avec pour projet de pagayer un jour sur deux, un jour de crapahutage autour du campement et d’affût si quelqu’un veut faire un affût et un jour de pagayage où on s’arrête à la demande pour faire des photos de paysages ou d’animaux qui sont sur le bas-côté de la rivière. Les grizzlis sont tout simplement dans des endroits magiques.

J’espère pouvoir illustrer mes propos avec quelques photos en dessous de ce podcast mais c’est juste génial, je vous invite à regarder Les rivières oubliées pour voir les couleurs de cette rivière, qui est limpide au début, on se croirait dans les gorges du Verdon mixées avec des couleurs canadiennes, puis on arrive dans un autre territoire. Il y a vraiment quatre paysages différents pendant cette traversée de 320 kilomètres de rivière en tout en canoë.

Quatre paysages. Au début on a ces canyons qui sont complètement magiques et somptueux, on arrive dans la toundra, la taïga, puis les collines fumantes et tout ça dans une période où l’automne est en train de s’installer. On a des couleurs, rouge, jaune.

Régis Moscardini : Ça doit être magnifique surtout à cette période-là. Ça doit être fabuleux. Là pour le coup je pense qu’il faut avoir une bonne condition. Tu l’as dit, c’est un projet de photographies aventure. Ça ne s’improvise pas.

Loïc Lechelle : Au niveau de la condition, ce n’est pas une rivière qui est difficile, il faut savoir pagayer un petit peu mais encore que là ce n’est pas une donnée primordiale. Pour moi, c’est pouvoir encaisser 24 jours loin de chez soi, loin du confort, on est dans des tentes pendant 24 jours, il peut faire froid, il peut faire humide. C’est plus dans la condition mentale que ça se joue que dans la condition physique. Il n’y a pas vraiment de prérequis physique pour venir dans ce séjour.

Régis Moscardini : D’accord.

Loïc Lechelle : Cette rivière complètement majestueuse est pour moi l’un des plus beaux endroits que j’ai pu faire. C’est authentique, loin de tout, on se sent vraiment perdu et c’est ça qui est intéressant. Il y a peu de tourisme et ce peu de tourisme est vraiment synchronisé avec notre séjour. C’est-à-dire que la première chose qu’on demande quand on réserve la plage horaire de l’hydravion, est-ce qu’il y a d’autres séjours de prévus cette année, etc. Là il n’y en a pas. Il n’y aura personne en même temps que nous sur la rivière. Personne. C’est pour moi la quintessence de la photo animalière aventure.

Régis Moscardini : Bien sûr. Je te remercie beaucoup Loïc, ça fait plus d’une heure qu’on est ensemble, je n’ai pas vu le temps passé, j’ai appris plein de choses. C’est ce que je dis à chaque fois, mais c’est vrai à chaque fois. Je suis sûr que les auditeurs aussi auront appris plein de choses. J’invite vraiment à ceux qui nous écoutent à aller en dessous du podcast et de cliquer sur les liens pour aller voir un petit peu ton travail. Et Melting Pot Safaris par exemple. Merci beaucoup Loïc.

Loïc Lechelle : De rien. Avec grand plaisir. J’espère qu’Auxois Nature comptera de nouveaux followers par la suite et je transmets également à mon réseau l’adresse URL de ce super site.

Régis Moscardini : C’est super. Merci beaucoup.

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