L’autre jour je reçois un mail de Didier, lecteur du blog qui me demande : « bonjour Régis, (…) j’aimerais savoir quel est le meilleur objectif photo pour photographier les animaux. (…) »

Bon, devant une question demandant une longue réponse, je m’apprête à orienter Didier vers un  de mes articles. Et là vous savez quoi … aucun ne traite spécifiquement des objectifs à utiliser pour la photo animalière. Et personne pour me le dire en plus ! Si on ne peut plus compter sur ses lecteurs .

Ça fait quatre ans que le blog existe, et je n’ai pas été fichu de rédiger un billet là-dessus. Bref ! Je ne pouvais pas faire autrement que de pondre un billet complet sur ce sujet passionnant et essentiel.

Quelle est l’objectif idéal pour la photo animalière ? Une question simple, logique qui demande une réponse complexe mais pas difficile à comprendre.

En plus, je pourrai répondre à Didier.

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Quelques  notions importantes

Avant d’aller plus loin et de répondre précisément à la question, voici quelques points indispensables.

Je vais beaucoup parler ici de longueur focale et donc de focale. Alors autant que cette notion soit claire dans votre tête. La longueur (ou distance) focale, exprimée en millimètres, est la distance qui sépare le capteur numérique du reflex d’un point précis situé dans l’objectif.

Voilà pour la théorie. Maintenant en pratique, ce qui est très important pour vous, c’est de savoir que plus cette distance focale est grande, plus le sujet parait proche dans le viseur. Moins elle est grande et moins le sujet parait proche.

Vous devez commencer donc à deviner qu’en animalier, c’est une grande longueur focale qu’il faut : si on ne peut pas s’approcher de l’animal (parce qu’il fuit le bougre) et bien c’est l’objectif et sa grande longueur focale qui va le faire pour nous ! On parlera des mm (millimètres) un peu plus loin dans l’article.

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Ah ben non ! En fait on en parle maintenant. Peut-être que la meilleure invention de l’homme sont, après quand même la roue, les unités de mesures universelles. Qu’est-ce que c’est pratique ! Vous imagineriez-vous demander au vendeur de chaussures « bonjour je voudrais une paire un peu grande mais pas trop ! ».

Et, de la même manière, au magasin de photo «  bonjour, je voudrais un objectif avec une longueur focale pas trop petite mais un peu quand même » :-). Bref, vous m’avez compris, il manque un truc ! L’unité de mesure. Pour les objectifs, on parle en millimètres (mm). Logique puisqu’on parle de distance entre un point et un autre.

Je résume.

Je souhaite photographier les animaux sauvages qui fuient : j’utilise une grande longueur focale pour qu’ils paraissent plus gros dans l’image. Je les rapproche « optiquement » en quelque sorte. Cette longueur focale sera exprimée en millimètres (mm). Et comme elle est grande, ça fera beaucoup de mm ;-). 200 mm, 300 mm, 400 mm, 500 mm.

Voilà, c’est tout. Ah si, juste une chose pour que vous ayez un ordre de grandeur en tête :

  • photographier les paysages : courte focale = 20 mm par exemple
  • réaliser des portraits : focale standard = 50 mm (correspond grosso modo à la vision humaine)
  • photographier des objets lointains : grande focale = 200, 300, 400, 500 mm.

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Voilà aussi pourquoi il est absolument impossible de photographier la faune sauvage avec le 18-55 mm vendu dans 90 % des cas avec votre reflex.

Bon, tout devrait être plus clair maintenant non ? Il vaudrait mieux, car avec ce qui suit je vais en rajouter une couche .

Au siècle dernier

Tout allait très bien au siècle dernier avec l’argentique.

Quand deux photographes se demandaient l’un l’autre quels objectifs ils utilisaient, tout était clair ! Quand le premier parlait, de son 50 mm, le deuxième savait exactement à quoi ça correspondait. Aujourd’hui, ça n’est plus aussi simple malheureusement. Le numérique à quelque peu brouillé les cartes.

Ce que vous voyez dans le viseur du reflex dépend de deux choses :

  • la longueur focale (rappel : distance entre le centre de l’objectif et le capteur)
  • la taille de la surface du capteur numérique.

Comme je vous le disais, du temps des pellicules, pas de souci. Elles mesuraient toutes 36 mm x 24 mm. Ainsi, nos deux photographes bavards, savaient ce qu’ils verraient dans le viseur avec, par exemple un 200 mm.
Le remplacement des pellicules par les capteurs a changé la donne : ces mêmes capteurs ne mesurent plus 36 mm x 24 mm mais sont plus petits.

Pour la très grande majorité des capteurs de reflex, ces capteurs sont 1,5 fois plus petits que feu la pellicule. Ce sont des capteurs APS-C. La conséquence est directement visible dans le viseur : la longueur focale apparente n’est plus la même.

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Cas pratique. Prenez deux reflex :

  • Reflex A : un vieux avec une pellicule
  • Reflex B : un neuf avec un capteur numérique APS-C

Sur chacun des deux reflex, montez un 200 mm. Approchez votre oeil dans le viseur de l’un puis de l’autre : vous ne verrez pas la même chose. La longueur focale apparente est différente car la taille du capteur est 1,5 fois plus petite que la taille de la pellicule. C’est mathématique, c’est comme ça.

Dans le viseur B, le sujet apparaitra 1,5 fois plus proche que dans le viseur A.

Bon, comme il faut bien continuer à discuter et se comprendre entre photographes, il est communément admis que quand on parle d’objectifs, on raisonne comme s’ils étaient toujours montés sur une reflex à pellicule. Par contre, ça implique de faire une petite conversion dans sa tête : mon 200 mm monté sur le reflex numérique B vaut en réalité 200 mm x 1,5 = 300 mm.

Eh mais attendez une minutes !! C’est bien ça non ? Un 200 mm qui se transforme d’un coup d’un seul en 300 mm !! Ça rapproche d’autant le sujet dans le viseur.  🙂 Moralité, posséder un reflex numérique avec un capteur APS-C augmente la focale apparente, ce qui rapproche votre sujet. Cool.

Un objectif idéal pour la photo animalière?

Ce qui était censé être une petite introduction de quelques dizaines de mots s’est allongée avec près de 1000 mots ! Mais au moins, la suite de l’article sera bien plus claire.

Je repose la question de Didier : Quelle est l’objectif idéal pour la photo animalière ? Je pourrais faire une bonne vieille réponse de Normand et dire : « l’objectif idéal en photographie animalière est celui qui vous va le mieux » :-). Mais bon. Bof.

Allez …. Le suspens a assez duré avec ma super intro, pas la peine d’en faire plus !

Pour moi (mais aussi pour de nombreux autres photographes) le seul et unique objectif que vous devriez posséder est un 300 mm f/4 focale fixe. Point.  Avec un 300 mm f/4 vous ne pourrez pas vous tromper. Je vais donc vous énumérer tout simplement ce qui me fait penser ça.

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Le 300 mm f/4 de chez Canon

Raison #1 : la qualité optique.

Vous savez qu’il y a deux sortes d’objectifs ? Les fixes et les zooms. Le 300 mm f/4 appartenant à la première, celle des focales fixes. C’est à dire que vous avez un 300 mm non modifiable. Les fixes possèdent une qualité optique supérieure aux zooms.

Grâce à une formule optique uniquement, seulement, spécialement conçue pour une seule focale, l’objectif est particulièrement bien optimisé. Donc, entre un 70-300 mm et un 300 mm, ce dernier aura une qualité optique bien meilleure.

Piqué plus piquant ;-), netteté plus homogène des bords au centre de l’image, netteté plus importante dès les plus grandes ouvertures, micro-contrastes meilleurs, … bref, c’est mieux, bien mieux. Mon expérience personnelle ne peut d’ailleurs que confirmer. J’ai travaillé au début avec un 70-300 mm et j’ai maintenant un 300 mm f/4. Je peux vous assurer que la différence est flagrante, et pas seulement mesurable en labo. Je l’ai vu de mes yeux vu !

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Une photo prise avec un Pentax 300 mm f/4 – © Régis Moscardini

Raison #2 : l’ouverture

Peut-être que pour les photographes animaliers qui débutent la notion d’ouverture est encore un peu floue. Et surtout peut-être ne correspond-elle pas à grande chose. Voici un petit rappel tout simple.

L’ouverture est le trou à la base de l’objectif (que je vous conseille d’appeler diaphragme en société pour ne pas avoir l’air c… 😉 ) par lequel passe la lumière pour aller imprimer le capteur. Plus ce trou est gros, mieux c’est. Surtout en photo animalière. La luminosité étant souvent faiblarde (début, fin de journée, forêt), posséder un objectif capable d’ouvrir beaucoup le diaphragme est un atout considérable.

  • Un diaphragme ouvert à f/22 donne un tout petit trou.
  • Un diaphragme ouvert à f/1.8 donne un énooooorme trou.
  • f/5.6 est une ouverture correcte mais sans plus.
  • f/4, pour notre 300 mm, est beaucoup mieux !

Vous aurez donc plus de facilité à photographier la faune en faible luminosité avec le 300 mm f/4 qu’avec un autre objectif,  f/5.6 par exemple.

Raison #3 : la réactivité

J’ai découvert ce principe lors de l’acquisition de ma première focale fixe. C’était avec un 50 mm f/1.8. Jusque là, j’avais soit un 70-300 mm, soit un (faut bien commencer …) un 18-55 mm. Deux zooms donc.

Je ne m’en apercevais pas, mais je perdais énormément en réactivité avec ces deux objectifs. Oui. Zoomer, dézoomer, pinailler, un peu plus, un peu mois : quelques dixièmes de secondes que j’utilisais systématiquement à choisir la bonne focale

J’en ai encore fait l’expérience récemment. Propulsé photographe « officiel » du club de judo de ma fille ainée, j’avais la lourde charge du reportage photo de la fête de noël de club.

J’ai préféré prendre avec moi mon 70-300 plutôt que mon 300 mm focale fixe. Justement, pour avoir plus de souplesse. Et bien vous savez quoi, ce fut une erreur. J’ai loupé quelques situations sympas parce que j’étais pile en train de jouer avec le zoom.

Alors qu’avec le 300 mm, je n’aurais pas eu à m’occuper de ce paramètre là ! Une focale fixe, par définition, est une focale qui ne se change pas. Fini les précieuses poignées de secondes perdues à pinailler du zoom. Et ce qui est valable avec des jeunes judokas vifs comme l’éclair l’est aussi avec des jeunes renards (par exemple !).

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Raison #4 : la créativité

Attention, posséder une focale fixe ne signifie en rien que vos cadrages sont fixes. Varier sa composition avec un 300 mm f/4 est possible. Ouf ! Mais ici, le zoom, ce n’est plus une bague à tourner. Le zoom, c’est vous ! Enfin, vos jambes quoi .

En quoi cela peut-il améliorer votre créativité ? Parce vous serez obligé de chercher l’emplacement idéal. Croyez-moi, c’est fou ce qu’on peut-être fainéant avec un zoom ! Permettez que je revienne sur la fête du judo. À quelques pas de notre camp de base ( oui … 2 chaises, une poussette et un sac à dos ) était installé un papa avec un reflex et un 70-300 mm Sigma APO.

Le même que moi ! Ce cher monsieur n’a pas bougé une seule fois les fesses de sa chaise pour photographier. Il s’est uniquement reposé sur sa bague de zoom, qui, pour le coup, a bien chauffé. Pour la créativité, on repassera hein !

S’il avait eu une focale fixe, il aurait été obligé de se déplacer dans la salle. Et c’est toute la différence. Car quand on se déplace pour chercher le meilleur cadrage pour une situation donnée, on y prend goût. Et surtout, on travaille son « regard », sa « vision » photo.

Raison #5 : le coût

C’est bien tout ça. Mais combien ça coûte un 300 mm f/4 ? C’est pas donné, tout en restant accessible. Allez, pour faire simple, c’est dans les 1 200 € . Plus ou moins selon votre marque de reflex :

Et oui, ça fait une somme. Mais très franchement, c’est une somme raisonnable compte tenu de la valeur du produit. Et l’écart entre un 70-300 mm de moyenne facture et un 300 mm f/4 d’excellente qualité n’est pas si grande que ça.

Beaucoup moins qu’entre le 300 mm f/4 et son grand frère, le 300 mm /F2.8. Ce dernier pointe chez Sigma à 2900 €. Oui … ça peut monter haut, même très haut dans les prix.

ah … on me dit dans mon oreillette qu’en ce moment ce serait la crise … Et que tout le monde n’aurait pas 1200 € à mettre cash en liquide dans un objectif. Et bien pour tout ces gens là (je suis dedans) il existe une excellente solution : la location d’objectifs photo.

Raison #6 : le poids

Pendant tout l’article, je vous écris à chaque fois 300 mm f/4. Pourquoi noter  la mention f/4 ? Parce le f/2.8 existe. Et un 300 mm f/2.8, c’est le triple du prix du f/4. Mais aussi 1500 grammes de plus. Et ce 1,5 kg en plus (ou en moins), mesdames messieurs, à la fin d’une journée de photo à l’approche, on le sent.

Je fais confiance sur ce point aux très nombreux témoignages de photographes qui ont vécu la chose. J’avoue, je n’ai pas dans mon fourre-tout le 300 mm f/2.8 à 3000 €

Raison #7 : 300 mm = 450 mm

Une petite dernière raison pour la fin. Rappelez-vous bien que ce 300 mm qui ouvre à 4 devient au-to-ma-ti-que-ment un 450 mm f/4 monté sur un capteur APS-C. Et, soyez bien conscient qu’un téléobjectif 450 mm f/4 … c’est le nec plus ultra pour 99 % des photographes animaliers. Avec ça, vous faites face à toutes les situations. De la billebaude, de l’approche, et même de la proxi-photographie.
Je vous le garantie, avec cet objectif, vous êtes dans le vrai !

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Et dites-moi ce que vous en pensez dans les commentaires ! Pensez-vous comme moi qu’un 300 mm est l’objectif idéal pour le photographe animalier ?