Disclaimer : Vous vous apprêtez à lire un article écrit par le photographe Samuel Faure. C’est donc lui qui s’exprime. Il est en train de créer » Picture For Nature « , le Festival Nature de la Photographie Ecologique 2022 en Auvergne.
Découvrez son projet sur sa page Ulule
Avril 2020, plein confinement : tout est parti d’ici.
Alors que je reçois mes derniers tableaux pour ma prochaine exposition « Mare’veilleuse Nature », je me retrouve face à ce constat : 12 tableaux imprimés sur aluminium Dibond livrés en 4 fois et emballés dans 15 m2 de cartons et 15 m2 de papier bulle.
Moi, passionné de photographie et de nature, conscient qu’il faut que chacun fasse des efforts à sa petite échelle pour protéger notre planète, je me trouve nez à nez avec une montagne de déchets !
Poussant ma réflexion plus loin, je me renseigne alors sur la composition et la fabrication de l’aluminium Dibond : 2 couches d’aluminium (métal produit principalement à partir de la roche bauxite) entourant une couche de polyéthylène (plastique produit majoritairement à partir de pétrole), en résumé que des énergies fossiles !
La goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Après plusieurs jours de réflexion, j’en suis arrivé au questionnement suivant :
Comment la photographie nature peut- elle continuer d’exister sans nuire à notre écosystème ?
Chaque année des centaines de milliers d’œuvres photographiques nature sont imprimées, collées, contrecollées avec pour la majorité des matières premières extraites de nos sols ou de nos forêts. Nous, photographes nature, ne pouvons-nous pas trouver des alternatives pour mettre en lumière la beauté du monde qui nous entoure ?
Ma réflexion s’est alors portée sur la possibilité d’imprimer ces œuvres sans participer indirectement à la déforestation ou à l’appauvrissement des sols, avec un regard tout particulier sur la qualité du papier.
Le projet que je souhaite porter peut désormais voir le jour : créer ma propre association « PICTURE FOR NATURE » afin d’allier photographie et écologie.
Projet novateur et fédérateur, Picture for Nature, déjà riches d’alternatives écologiques à offrir aux impressions photographiques, rassemblera ses adeptes du 3 au 5 juin 2022 lors d’un grand festival qui se déroulera en Auvergne.
Retour sur les étapes d’un projet inédit en France (et même au-delà), de la recherche d’informations aux initiatives concrètes.
Impressions photos : état des lieux
L’impression photographique est la rencontre d’un papier, d’un support, et du savoir-faire d’un imprimeur.
Il existe 2 types de papiers :
- Les papiers « classiques » : blanchis au chlore, ils sont recouverts sur chaque face d’une fine couche de polyéthylène (plastique).
- Les papiers « haut de gamme » : en fibres naturelles et non blanchis artificiellement au chlore, on retrouve notamment les papiers « Rag » et « Baryta ».
Ces deux types de papiers peuvent être combinés avec une grande diversité de supports :
- Cadre photo « classique » : en bois, en résine, ou autre
- Caisson américain : encadrement bois donnant un aspect de profondeur
- Plaque d’aluminium
- Plaque « Dibond » : 2 couches d’aluminium entourant une couche de polyéthylène
- Plaque de verre acrylique + photo avec filtre anti-UV + plaque d’aluminium : c’est à ce jour le support « haut de gamme » proposé par les maisons d’impressions
LE SAVIEZ-VOUS ? Il existe trois types d’impressions différentes en photographie : – L’impression dite « classique » : papier traité chimiquement et blanchi au chlore, nombre illimité exemplaires – L’impression « Fine ART » (ou « photographie d’art ») : papier traité, à pH neutre, non blanchi au chlore, nombre limité d’exemplaires (plusieurs centaines ou milliers par photographies) – L’œuvre d’art : papier traité, à pH neutre, non blanchi au chlore, nombre limité à 30 exemplaires |
L’impression actuelle : tout sauf écologique
Que ce soit en premier prix ou en tirage d’art, le marché de l’impression photographique ne tient pas réellement compte de l’impact sur la planète, participant un peu plus à l’appauvrissement des sols et à la déforestation.
Actuellement il y a deux grandes tendances :
– Les impressions « bon marché » : proposées sur un papier (et/ou un support) bas de gamme, les photographies voient leurs prix tirés au plus bas pour toucher une population désireuse de s’offrir des œuvres à moindre frais. A quel prix pour notre planète ?
– Les impressions « haut de gamme » : pompeusement appelées « Fine Art » ou « Photographie d’Art », leur atout commercial réside dans un papier « propre » et conçu pour durer. Ils sont pourtant très fragiles et s’abiment à la moindre rayure. Ajoutez à cela des tirages « limités » (souvent à plusieurs centaines ou milliers d’exemplaires) et vous avez l’impression de vous offrir une œuvre unique…qui ne l’est finalement pas.
Si le papier semble moins nocif pour la planète qu’un papier classique, les supports proposés sont ce qu’il y a de pire. Plus nous montons en gamme, plus l’impact sur la planète est grand.
LE SAVIEZ-VOUS ? Les matières premières des supports en photographie L’aluminium est un métal produit principalement à partir de la roche bauxite. Son exploitation se fait de façon « traditionnelle » par le creusement de puits de mine et de galeries, mais également en carrière à ciel ouvert. Pour fabriquer 1000 kg d’aluminium, il faut 10 000 kg de bauxite qui produisent 500 kg d’alumine (par ajout de soude), 80 kg de cryolite, 600 kg de charbon auxquels viennent s’ajouter 14 000 kWh d’énergie électrique. Pas très écolo tout ça… Les polyéthylènes, matières plastiques les plus communes, sont synthétisés à partir de l’éthylène lui-même produit à partir de pétrole ou de gaz naturels. Sa production dégage de nombreux gaz toxiques considérés comme des polluants atmosphériques. Actuellement les polyéthylènes ne sont pas biodégradables et ne sont que peu recyclés. Le filtre UV, présent sur les papiers d’art pour les protéger des altérations du temps, est obtenu par traitement chimique du papier. Un papier propre mais finalement traité… Le verre acrylique est en réalité une plaque de plastique dur, brillante et très résistante. Ses constituants de base sont le méthanol, l’acétone, l’acide sulfurique et le cyanure d’hydrogène. Ces deux derniers, peu respectueux de l’environnement, sont également très toxiques. |
De l’extraction à la production, il semblerait que les étapes de fabrication d’un tirage en photographie nature soient en total décalage avec les démarches écoresponsables que véhiculent bien souvent les œuvres et leurs artistes.
Des solutions écologiques concrètes : le papier Washi 100% naturel
Ne nous cachons pas, la planète étouffe et la photographie y participe.
Pouvons-nous continuer d’épuiser nos sols juste pour de l’impression photo ?
Actuellement, la quasi-totalité du marché de l’impression est détenue par des papiers traités sur des supports issus d’énergies fossiles.
Après m’être longuement penché sur des alternatives d’impression moins polluantes et plus écoresponsables, j’ai découvert un papier méconnu du grand public : un papier Washi 100% naturel.
Maitres papetiers dans le sud de la France, Benoit et Stéphanie produisent des papiers dans la plus pure tradition Japonaise.
La matière première, le kozo ou mûrier à papier, est récoltée à la main dans un périmètre de 50 km autour de leur atelier.
Cette plante invasive, importée en France dans la seconde moitié du 18ème siècle, est utilisée pour la fabrication d’une pâte à papier (manuellement uniquement).
L’eau utilisée est issue d’une source naturelle.
Aucun procédé chimique n’intervient dans la confection ni le blanchiment du papier, seulement du temps et du savoir-faire.
Ces papiers, d’une grande robustesse, sont conçus pour durer 400 ans sans faire perdre aux images leur éclat.
C’est en me rendant directement à leur atelier que l’impression écologique a pris tout son sens. L’éthique est au cœur de leur pratique, et leur perfectionnisme donne à chaque feuille de papier un caractère unique.
Ici, pas de bruit de machines, pas de fabrication à la chaine, juste le crissement des outils pour extraire et sélectionner les meilleures fibres du kozo pour la fabrication d’une feuille artisanale à la qualité inégalable.
Ce papier est l’alchimie entre Dame Nature et le savoir-faire d’un maitre papetier motivé par l’amour de son art et du travail bien fait.
Il est la base essentielle pour remettre la photographie à son rang d’œuvre d’art en privilégiant des impressions qualitatives et non quantitatives.
Un papier 100% naturel n’a de sens que si son support véhicule la même éthique.
Nous travaillons actuellement sur des encadrements en matières recyclées et recyclables.
Le bois semble naturellement être la matière la mieux adaptée pour ce type d’utilisation, que ce soit pour des cadres « classiques », des caissons américains ou des kakemonos (rouleaux de suspension traditionnels japonais).
« Picture for Nature » : le festival photo de demain…
Afin de promouvoir ces valeurs écoresponsables de production en photographie, nous avons choisi de regrouper les différents acteurs autour d’un seul et unique évènement : le premier Festival de Photographie Nature Écologique en Auvergne en 2022
Réunissant photographes nature engagés, maitres papetiers, artisans d’art et associations de protection de la nature, avec un objectif commun : informer sur les alternatives écologiques de l’impression photo tout en partageant de belles images et créations.
Alimenté par des conférences et projections de films nature, le festival souhaite fédérer les différents acteurs autour d’une réflexion commune :
Comment la photographie nature peut- elle continuer d’exister sans suire à notre écosystème?
… pour un projet commun
Il est évident qu’un tel projet ne pourra voir le jour sans le soutien d’une municipalité engagée pour cette cause, d’une Région porteuse d’un message écoresponsable, d’associations ouvertes à des projets concrets d’actions sur le terrain, et d’individus conscients de l’importance de modifier nos habitudes en matière d’écologie.
Pour soutenir ce projet une cagnotte participative a été mise en place jusqu’au Mercredi 24 février 2021 sur le site Ulule.
L’objectif est de récolter suffisamment de fonds pour définitivement lancer le projet de festival.
En contrepartie les généreux donateurs recevront des tirages photos, des cartes postales ou des marques-pages sur ce papier d’exception.
Vous trouverez ci-dessous le lien pour contribuer à ce projet inédit :
https://fr.ulule.com/picture-for-nature/
Dans ce projet TOUT LE MONDE Y GAGNE : on crée des œuvres d’art en limitant au maximum l’impact sur la planète, on aide les associations de protection de la nature par des dons directs, et l’acheteur possède une œuvre conçue pour durer 400 ans !
Quoi de plus gratifiant pour un artiste que d’être mis en lumière par un autre artiste ?
En visitant Benoit et Stéphanie, maitres papetiers, je n’ai pas simplement découvert un papier, j’ai découvert une éthique.
Comme la pratique de la photographie nature doit être raisonnée et respectueuse de l’environnement et de leurs habitants, l’impression a besoin de faire « peau neuve » en matière d’écologie.
Si certaines maisons d’éditions veulent démocratiser les impressions d’art, « Picture for Nature » a pour objectif de démocratiser les impressions d’art écologique en travaillant exclusivement avec des photographes engagés pour la protection de la planète.
Il existe encore de nombreux domaines à explorer pour des éditions encore plus écologiques (supports, encres, conditionnement, emballages, expéditions…), mais ce papier pourrait bien impulser un nouvel élan écoresponsable à l’impression en photographie nature.
Pour mettre en lumière ce papier et le travail de photographes engagés, nous organisons le 1er Festival Photo Nature Ecologique en Auvergne au printemps 2022 dans le but d’informer et de présenter ces alternatives écoresponsables à l’impression d’art actuellement pratiquée.
Si vous souhaitez soutenir un tel projet, ou tout simplement vous rendre compte par vous-même du rendu de ces impressions sur papier Washi, rendez-vous sur la page « Picture for Nature » du site Ulule :
https://fr.ulule.com/picture-for-nature/
Samuel Faure, photographe amateur et président de l’association « Picture for Nature »
Instagram : @picture.for.nature
Bonjour, c’est une formidable initiative qui porte une vision systémique de ce domaine de la photo et de leur tirage. Écologue et amateur en photographie, je suis heureux de voir une telle initiative émergée et j’espère très largement soutenue. Passez par une ACV analyse du cycle de vie de l’ensemble de la chaîne me semble être une mise en responsabilité et cohérence plus que nécessaire. Bon vent.
Ça donne à réfléchir en effet. Merci pour ce bel article!
Mis à part le nom de l’association qui me gene, je ne suis pas anglophobe mais, « Photo pour la nature » aurait été parfait pour une association française, L’idée est séduisante et ne manque pas d’intéret. En revanche comme le disait Alain, il ne faut pas oublier l’impact de l’encre utilisé.
L’encre et l’encadrement sont également des choses sur lesquelles nous souhaitons également travail dans un sens écoresponsable. Ce projet ouvre des réflexions et des perspectives pour l’avenir, et le but est de trouver des solutions ensemble pour le long terme 🙂
Tout à fait d’accord avec cette démarche mais quel sera le prix, un tel papier doit couter cher mais à mettre aussi en parallèle avec le coût écologique le la photo sur le net (il parait que les hébergeurs consomment énormément de courant.).
Voir aussi les encres les emballages….
En tout cas une démarche intéressante j’avoue que je m’étais jamais pose la question
Ce papier artisanal n’est pas plus cher que les produits « haut de gamme » proposés sur les sites spécialisés dans les tirages d’art. L’objectif est de rendre l’impression écologique pour la plupart des gens, et ce nouveau projet tend à avancer dans le bon sens 🙂
Un article très intéressant qui j’espère fera réfléchir de nombreux photographes ! J’ai hâte de voir la suite de la réflexion avec les recherches sur l’encre notamment. J’espère pouvoir venir à ce festival en 2022
Étant un jeune amateur, je ne fais pas ou très peu d’impression actuellement mais maintenant je penserai à cette alternative 🙂
Merci beaucoup pour ce retour positif. Nous cherchons à éveiller les consciences et à partager une autre vision de l’impression 🙂
Merci Régis de proposer ton site pour promouvoir un si beau projet plein de sens et de soutenir le travail engagé de Samuel! 😉
Merci beaucoup Dom ! Ravi que cet article puisse compléter tes réflexions à ce sujet comme nous avons déjà pu en discuter 😉
Et niveau encre et support, il y a des solutions plus propres ? Parce que finalement tout l’article est tourné vers le papier, alors que c’est tout un ensemble qui est longuement pointé du doigt.
Personnellement ça m’intéresse beaucoup d’avoir le meilleur rapport qualité photo et empreinte écologique pour mes tirages.
L’objectif est d’arriver à un produit fini totalement écologique, mais nous avons du commencer par quelque chose. La démarche n’est qu’à son commencement, mais c’est une certitude que la vision globale de l’impression est indispensable pour un véritable impact positif sur l’environnement.