Une pose lente est, comme son nom l’indique, une photo réalisée avec un temps de pose long, c’est à dire avec un temps de pose qui ne permet pas de figer un sujet en mouvement (généralement de l’ordre de 1 à 30 secondes).
Quand la luminosité est faible (avant le lever du jour, dans une forêt dense, par un ciel chargé ou par temps de brouillard), la durée d’exposition augmente naturellement permettant ainsi au capteur de votre boîtier d’obtenir suffisamment de lumière. La pose lente obtenue est souvent vécue comme un handicap, engendrant par exemple des flous de bougés (du photographe ou du sujet).
IMPORTANT – cet article a été rédigé par Fabien Gréban. Photographe animalier professionnel, c’est lui qui s’exprime dans cet article.
Personnellement, je préfère considérer ces conditions de faible lumière comme une chance, m’offrant un outil supplémentaire de créativité. En effet, une pose lente permet d’obtenir un effet esthétique très intéressant : le filé. On est alors dans la photo créative, c’est à dire que l’image obtenue est parfois assez éloignée de ce que nos yeux ont pu voir sur le terrain.
I) Le filé de rivière
La pose lente est le plus souvent utilisée pour réaliser des filés de rivière. L’eau en mouvement prend alors un aspect vaporeux très esthétique, obtenu par le fait que l’eau se déplace pendant la prise de vue qui va durer plusieurs secondes.
Pour réaliser ce genre d’image, vous aurez besoin d’un trépied. En effet, le temps de pose ici sera de plusieurs secondes, impossible donc de rester immobile à main levée aussi longtemps. Une télécommande sera également un plus, afin d’éviter que vous fassiez bouger votre boîtier en activant le déclencheur. Le retardateur pourra aussi faire l’affaire.
Dans le cadrage de l’image, on inclut généralement un élément de décor immobile (rocher, arbre, …) qui sera alors bien net, contrairement à l’eau en mouvement. Les points nets de l’image permettent d’accrocher le regard du lecteur et apporteront de la lisibilité. A l’inverse, si vous choisissez de cadrer votre image uniquement sur l’eau en mouvement, vous pourrez obtenir des photos plus abstraites. A vous de choisir.
Pour le réglage de votre boîtier, je conseille de commencer par utiliser le mode priorité à l’ouverture (mode A ou Av). L’idée étant d’avoir un temps de pose long, on ferme donc le diaphragme, par exemple à f/16, ce qui augmente aussi la profondeur de champ. Dans ce cas, une grande profondeur de champ est un avantage, permettant d’obtenir l’ensemble du paysage photographié bien net.
L’eau prendra un effet de filé avec un temps de pose de l’ordre de 2s. Mais l’aspect sera encore différent si le temps de pose est encore plus important, de l’ordre de 15s ou 30s. Pour ajuster votre temps de pose (qui se règle automatiquement, vu que l’on est en mode A), il faut modifier les iso. Faites différents essais, avec des temps de pose de 2s, 10s et 30s, afin de choisir le rendu que vous préférez.
Si la luminosité de la scène est trop importante, vous n’arriverez pas à avoir un temps de pose suffisamment long, même en réglant votre boîtier à 100 iso et f/22. Dans ce cas, on utilise un filtre que l’on place devant la lentille de l’objectif. Il s’agit de filtre gris neutre qui empêche une partir de la lumière de rentrer par l’objectif, augmentant ainsi le temps de pose. Personnellement, j’utilise des filtres vissant de marque B+W (modèle 106 ND1,8), mais il existe différentes solutions (Cokin, Hama, Lee, …).
La technique du filé de rivière peut bien sur être appliquée à la photo animalière, il « suffit » de trouver un sujet au bord de la rivière acceptant de tenir la pose pendant plusieurs secondes … c’est notamment possible sur certains oiseaux, comme le héron par exemple, ou le cincle plongeur qui peut rester immobile, notamment juste après un repas. Les photos ainsi obtenues sont souvent spectaculaires et gagnent régulièrement de nombreux concours photo.
Exifs : D300, 500mm, F11, 200 iso, 1/5s
Le principe est donc de trouver un sujet immobile dans un environnement en mouvement, et d’obtenir un effet de filé par un temps de pose long.
Laissez libre cours à votre imagination, les éléments en mouvements pouvant être très variés :
- l’eau d’une rivière,
- les vagues de la mer,
- les nuages qui défilent,
- le vent dans les branches,
- la circulation routière,
- les pales d’une éolienne, …
II/ La pose lente sur un plan d’eau
Au bord d’un lac, la pose lente peut aussi s’avérer très utile. L’intérêt de photographier un lac est souvent basé sur l’obtention d’un beau reflet. Malheureusement, les conditions ne permettent pas toujours d’obtenir ce reflet, notamment en cas de vent (le vent va produire de petites vagues sur la surface du lac, empêchant la formation du reflet).
Une pose lente annulera l’effet des vaguelettes et permettra de lisser le lac et ainsi obtenir un beau reflet, similaire à un jour sans vent.
III/ La pose lente en animalier
Nous avons vu dans le premier chapitre un exemple de pose lente appliquée en animalier avec le cincle plongeur. Dans ce cas, il s’agit de figer le décor (eau en mouvement) autour d’un animal immobile. Mais la pose lente peut aussi être utilisée sur un animal en mouvement, technique que l’on appelle également « filé ».
Quand la lumière est trop faible, il semble impossible de réaliser une photo d’un animal en mouvement, sans monter à 25 000 iso. On ne pense pas assez souvent à tenter de réaliser un filé. Dans ce cas, il faut chercher à obtenir une vitesse de l’ordre du 1/10eme au 1/40eme de la vitesse minimale nécessaire pour figer le mouvement.
Par exemple, sur un blaireau ou un renard traversant une prairie, il faut au minimum une vitesse de 1/400eme pour obtenir une photo nette. Mais quand la lumière n’est pas suffisante, il faut au contraire chercher à baisser la vitesse aux alentours du 1/40eme à 1/10eme de seconde. Et, il faut suivre le sujet dans le viseur pendant le déclenchement. En effet, le filé est obtenue ici par un mouvement de votre télé-objectif, en suivant l’animal en mouvement. Ainsi, avec un peu de réussite, on obtient l’animal net dans un décor flou.
Cet exercice est difficile sur les mammifères, exercez vous d’abord sur de grands oiseaux comme des vols de goéland en bord de mer ou l’envol des grues en allant au festival de Montier en Der …
[Note de Régis : écoutez l’interview de Florence Dabenoc sur le flou de filé pour compléter]
IV/ Photo créative : le filé d’arbres
Pour réaliser un filé d’arbre, le sujet est cette fois immobile, et l’on souhaite donner un effet de mouvement. Il faut donc régler le boîtier pour obtenir un temps de pose assez long, de l’ordre du 1/10eme de seconde (comme toujours en fermant le diaphragme et en baissant les iso). Et pendant la prise de vue, on réalise un mouvement parallèle aux troncs d’arbres avec le téléobjectif.
Pour réaliser ce type d’images, on peut utiliser des focales très variées, du grand angle au petit téléobjectif. Mais pour commencer à pratiquer cette technique, je conseille d’utiliser des focales assez grande (par exemple un zoom 70-200 mm), ce qui permet de bien mettre en évidence les arbres, tout en évitant d’avoir un morceau de ciel dans l’image (qui donnerait un effet disgracieux en raison du filé).
Le résultat obtenu est assez surprenant. Les images semblent issues d’un monde fantastique, se rapprochant plus de la peinture figurative que de la photographie traditionnelle. Laissez libre cours a votre imagination, faites de nombreux essais dans différents styles de forêt : hêtraie, sapinière, peupleraie, …
D’autres techniques existent, comme par exemple, le zooming, ou pendant la prise de la photo, vous tournez la bague de votre zoom. Essayez, vous verrez que l’effet est très surprenant.
En conclusion, sortez des sentiers battus, oubliez les règles de la photo classique et faites de nouveaux essais, encore et toujours. Et dites dans les commentaires sur quel sujet vous faites des poses lentes !
Merci Fabien pour tous ces exemples d’utilisation de la pose lente qui sont de bons exercices pour les débutants et un rappel pour les autres.En photo ,il n’y a jamais de fin ,on peut renouveler l’exercice sans cesse et se faire autant plaisir car les situations ne sont jamais tout à fait les mêmes,tant par les réglages que l’on peut tester que par le sujet qui n’est jamais sans surprise.Encore merci.
Salut Fabien, je ne connaissais pas la technique pour réaliser des filés d’arbres et les explications m’ont bien aidé. Facile à mettre en pratique avec ces belles couleurs d’automne du moment. Le plus difficile selon moi : ne pas intégrer le ciel blanc dans la composition.
Merci Fabien pour cet article très clair qui va m’aider pour progresser car j’utilise rarement la pose lente. J’ai envie de dire à Christian que si on place deux personnes au même endroit, avec le même appareil photo, et photographiant la même chose, on aura deux photos différentes.
Quant à moi, si j’aime tant faire des photos, c’est avant tout pour le plaisir que je ressens et je me moque bien si d’autres ont
déjà fait les mêmes. A ce compte-là, on pourrait se dire qu’il n’y a plus rien à photographier et remiser son appareil au placard !
Pourquoi dessiner, pourquoi écrire, pourquoi quoi puisque tout a déjà été dessiné, écrit …
Bonjour,
Vraiment j’ai bien fait d’ouvrir cette page !!
Superbe article, bien expliqué, qui invite à essayer ces Exifs même si, comme moi, les limites techniques et matérielles sont limitantes.
Je note également la question de Johan qui n’est que rarement abordée en photo par les professionnels et pourtant indispensable au débutant : Où doit-on faire la Mise au Point ? Merci Fabien pour ces éléments de réponse.
Je cite …. »Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage »
Grand merci
Merci Fabien pour cet exposé sur la pose lente. Je le trouve très bien écrit avec beaucoup de clarté et de passion ! On sent tout le travail que tu as accompli pour arriver à ce niveau et c’est très motivant ! Pour répondre à Christian : aucune photo réalisée par un autre ne pourra donner autant d’émotions que celle qu’on est allé chercher soi-même dans la nature, sur laquelle on a réfléchi, on a résolu les problèmes techniques et artistiques et qui une fois développée nous plaît ! Et si, cerise sur le gâteau, elle est plébiscitée par les autres alors on se sent tout simplement heureux !
Pour Fabien, je vais essayer la pose longue à Boulogne la semaine prochaine ;-))
Salut Fabrice !
tu m’envoies la photo par mail ou tu la partages ici ? Ce serait sympa de voir ce que tu as fait grâce aux conseils de Fabien 🙂
Bonjour Régis ! Promis je t’envoie ma meilleure photo pose longue à mon retour dans une semaine 😉
Bonjour, un article très intéressant qui donne envie de pratiquer et de vérifier ses résultats! J’ai une question concernant votre mise au point. Où la faite vous en fonction des différentes photos que vous avez prises ? Sur l’animal en mouvement, sur l’eau, sur les rochers, sur les arbres? D’avance merci pour vos précisions.
Bonjour Johan
Pour la mise au point, cela dépend des situations. Pour la photo de cascade, ce sera comme pour une photo de paysage classique avec premier plan, c’est à dire à peu prés au milieu du paysage (la pdc se répartie comme suit: 1/3 devant la map, 2/3 derrière), ou alors faire la map à la distance hyperfocale.
Pour le filé en animalier, il faut etre en af-c et faire la map sur l’animal. Le filé ne pourra « fonctionner » que si l’animal se déplace perpendiculairement à ta visée, pour qu’il reste dans le plan de netteté.
Dans une photo de filé, avoir un point fixe dans l’image apporte généralement un plus, dans ce cas, oui tu peux faire la map sur ce point fixe (rocher, arbre, …)
très intéressant, maintenant il faut s’y mettre……
La pose lente en animalier pourquoi pas car cela peut donner des images assez originales mais de grâce il faut arrêter les prises sur les cascades de rivières ou de plan d’eau laiteux car il en existe des milliers absolument identiques et des nouvelles n’apporteront plus rien.
ça n’est pas parce que d’autre l’on déjà fait qu’il ne faut pas essayer de faire ses propres photos, justement maintenant à nous de trouver un petit truc pour notre photo de filé de cascade soit joli, plus facile à dire qu’à faire …..
Tellement difficile qu’elles continuent à toutes se ressembler !!
« arrêter les prises sur les cascades … » un débutant dans cette technique devra passer par cette épreuve … il constatera ses progrès dans la technique … et seulement après il faudra qu’il « arrête les prises sur les cascades » … parce qu’il ya en a effectivement beaucoup !
La personne qui débute sera ravie de reussir une belle photo de cascade. Pour les autres, il suffit de passer son chemin.
Si on suit ton raisonnement, pourquoi photographier le renard, il y a des millions de photos de renard qui ont déjà été prises. Pourquoi photographier un coucher de soleil, pourquoi photographier un papillon, ou une fleur ??? Pourquoi faire de la photo d’ailleurs, puisque tout a déjà été fait ?
Pourquoi faisons nous de la photo ? pour ma part, c’est avant tout pour me faire plaisir. Peu m’importe si cela a déjà été réalisé plusieurs fois.
Et puis avant de faire une photo « originale », je pense qu’il est nécessaire de connaitre les bases. Et la photo en pose longue fait partie des bases de la photo de paysage. Ne pas oublier que les articles publiés ici sont principalement destinés aux débutants.
Ah ben alors là Christian je suis pas du tout d’accord avec toi.
Pour trois raisons :
– la première c’est le plaisir de vivre le moment de la prise de vue. Pourquoi se lever aux aurores ou trainer tard le soir en pleine nature ? D’abord pour le bonheur d’être dans un lieu joli, calme, souvent tout seul, et profiter de ces beaux moments offerts par la nature.
– ensuite parce que la photo nature en particulier et la photo en général et l’art encore plus en général, ne peut pas du tout se réduire à ce que font les autres ! C’est justement ce qui s’appelle la passion. Le plaisir désintéressé de pratiquer une activité.
– je fais pas mal de photos à la mangeoire. Les mésanges sont évidemment hyper présentes. Je sais que mes photos ont été faites par des milliers d’autres. M’en fiche ! Je prends ça comme un entraînement, comme des gammes qui automatisent mes gestes.
Merci Fabien pour cet article didactique et inspirant ! Il fait écho à une expérience récente : au cours d’une série de photos que j’ai réalisée, près de chez moi, sur les bernaches du Canada en vol, j’ai éprouvé cette difficulté de vouloir figer leur attitude avec une lumière parfois insuffisante, lors de leurs envols au petit jour… J’entrevois les avantages et possibilités créatives que m’auraient offert alors la pose lente et le filé… Je vais expérimenter très prochainement !
Bien cordialement.